Secrétariat international de la CNT

Pour l’Europe sociale et populaire : retraites publiques, décentes et suffisantes

Publié le lundi 5 août 2024

Nous, plates-formes, mouvements de retraités et organisations syndicales appartenant à différents peuples de l'UE, signataires de cette déclaration, estimons positive la réunion qui s'est tenue à Bilbao (Pays basque) et rendons publique notre détermination à faire face de manière commune aux réformes des systèmes de retraite qui sont imposées à la fois par les directives et les recommandations de la Commission européenne et par les États.

Bien que la situation des systèmes de retraite dans les différents pays européens ne soit pas homogène, nous constatons que les réformes imposées en matière de pensions et de systèmes publics par répartition se caractérisent par les éléments suivants :
* Réduction progressive des prestations des systèmes publics de retraites, en raison de la perte du pouvoir d'achat des salaires et de l'augmentation de la précarité de l'emploi, ainsi que des réformes législatives qui relèvent l'âge de la retraite, augmentent les périodes de calcul des pensions, introduisent des facteurs dits durabilité qui réduisent les pensions initiales, etc.
* Mise en place de pensions minimales manifestement insuffisantes qui sont de plus en plus découplées des salaires minima en vigueur dans chaque État. Des salaires minimums qui ne sont pas conformes à la récente directive de l'Union européenne 2022/2041, qui n'est déjà pas très exigeante.
* Perpétuation de l'écart entre les sexes, qui se situe entre 30 et 40 % en raison de l'ampleur limitée des mesures prises pour l'éliminer.
* Réduction du taux de remplacement des pensions et augmentation des avantages fiscaux et sociaux pour promouvoir les pensions privées.
* Un nombre croissant de retraités en Europe voient leurs conditions de vie se détériorer et sont contraints de compléter leurs pensions en prolongeant leur vie professionnelle précaire.
* En bref, la voracité néolibérale pour augmenter les profits des entreprises accentue la répartition inégale de la richesse produite par les travailleuses et travailleurs, la base du soi-disant état de bien-être, en augmentant les prix des biens et des services, en réduisant les salaires et les retraites et en utilisant les ressources publiques pour améliorer leurs résultats.


Après les débats tenus lors de la réunion, nous exigeons :

  1. - L’abrogation des aspects régressifs des réformes qui réduisent nos droits et nos pensions et en particulier l'augmentation des années nécessaires pour accéder à la retraite, la perte du pouvoir d'achat des pensions et la détérioration des conditions d'accès au pourcentage maximum possible de pension.

  2. - La garantie d’un système publique de retraites par répartition et des revenus suffisants dans chacun des états européennes pour permettre aux retraités d'accéder à des conditions de vie décentes et augmenter les taux de remplacement entre salaire et pension, en particulier pour les salaires les plus bas qui sont en général associés à des emplois plus pénibles et insalubres, et, avec eux, une espérance de vie moyenne plus faible et une moins bonne santé.

  3. - Des mesures efficaces pour éliminer l'écart entre les sexes en matière de salaires et de pensions, tant sur le lieu de travail que dans le domaine de la protection sociale et des pensions. La création d’un programme efficace pour atteindre l'équité hommes/femmes dans les pensions.
    Bien que l'égalité entre les femmes et les hommes soit l'un des principes fondamentaux de l'UE et que le principe de l'égalité de rémunération pour un travail égal ait été introduit il y a plus de 60 ans, l'écart de pension dans l'UE était de 29,4 % en 2019. La pauvreté et l'exclusion sociale sont principalement féminines : selon Eurostat, 64,6 millions de femmes et 57,6 millions d'hommes vivent dans la pauvreté. Le risque de pauvreté et d'exclusion sociale en 2020 était de 22,9 % chez les femmes et de 20,9 % chez les hommes. Il est nécessaire de se conformer efficacement à la résolution du Parlement européen du 5 juillet 2022 sur la pauvreté des femmes en Europe, qui appelle la Commission européenne et les États membres à élaborer un programme d'action pour 2030 avec des objectifs concrets pour lutter contre l'écart homme/femme. Il est inacceptable que de nouvelles règles en matière de transparence salariale telles que celle de mars 2023 ou la résolution sur la stratégie de l'UE pour l'égalité entre les femmes et les hommes en janvier 2021, ou la demande des députés européens de s'attaquer au problème de la baisse des pensions des femmes, aient un effet négligeable sur la réduction de l'écart entre les sexes en raison de l'inaction de la Commission européenne à l'égard de ces demandes.

  4. - L’intégration du droit à des pensions publiques décentes et à des systèmes de pensions par répartition en tant que droit fondamental dans la Charte des droits fondamentaux de l'UE.

  5. - L’incorporation dans la Charte sociale européenne révisée (CSER) du droit à une pension publique minimale avec des critères de suffisance fixés pour le salaire minimum et correspondant à au moins 60% du salaire moyen.

  6. - Le renforcement de l'obligation pour les Etats de se conformer aux dispositions de l'article 12 de la Charte sociale européenne (révisée) de 1996 en ce qui concerne le « maintien du système de sécurité sociale à un niveau satisfaisant, au moins égal à celui nécessaire pour la ratification de la convention internationale du travail n° 102 », et de l'article 23 relatif au droit des personnes âgées à la protection sociale.

  7. - L’abrogation du règlement européen 2019/1938 qui réglemente les plans de retraite individuels privés paneuropéens (PEPP - Pan-European personal pension product), pour lesquels la Commission européenne a proposé que les États appliquent le même traitement fiscal qu'aux produits publics existants, même si les PEPP ne répondent pas aux critères de l'État pour l'allégement fiscal. L'objectif de la Commission européenne, en collaboration avec la BCE (Banque centrale européenne), vise à augmenter les actifs gérés sur le marché financier des retraites individuelles de 0,7 billion d'euros en 2018 à 2,1 billions d'euros en 2030.

  8. - Nous demandons aux institutions européennes de faire des plans concrets pour promouvoir des politiques efficaces de répartition équitable des richesses, la création d'emplois de qualité et de pensions décentes dans les différents pays européens et d'évaluer leur développement de manière positive afin d'accéder aux fonds européens.

  9. - Le développement d’une opposition frontale aux réformes qui sont légiférées contre le renforcement du système de pensions par répartition. Le système de pensions par répartition et la solidarité entre les générations doivent être l'épine dorsale d'un régime de protection sociale pour les travailleurs qui ont terminé leur temps de travail.

  10. - L'accès à des pensions décentes pour les personnes qui n'ont la nationalité d'aucun des États membres de l'Union européenne et qui, n'ayant pas obtenu de permis de séjour et de travail, travaillent dans l'économie souterraine, avec des conditions de travail et des salaires très précaires et inférieurs aux conditions légales en vigueur dans chaque État. Nous exigeons leur régularisation immédiate. La liberté de circulation doit également leur être garantie afin d'être éligibles à l’intégralité des cotisations s'ils ont travaillé dans plusieurs États membres.


    Pour toutes ces raisons, nous appelons à une mobilisation commune entre tous les peuples de l'UE, qui sera menée dans les mois à venir.
    Ces demandes seront soumises au Parlement européen, à la Commission et aux différents parlements des peuples européens pour une mise en œuvre effective. Comme le démontrent les luttes que nous avons développées ces dernières années et que nous continuons à mener en tant que retraités et travailleurs, la mobilisation donne des résultats et est la meilleure garantie pour atteindre nos objectifs. Il s'agit d'une déclaration ouverte à l'adhésion de toutes les organisations européennes de retraités et des syndicats, ensemble nous parviendrons à inverser les coupes et les menaces qui pèsent sur les retraites publiques et les systèmes publics par répartition.


    Nos droits n'expirent pas avec l'âge.

    Nous allons gagner cette bataille.


    Bilbao (Pays Basque) le 24 mai 2024
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