Publié le vendredi 6 juin 2008
Après un conflit long et victorieux, Saturnino Mercader, président du
comité d'entreprise de TMB, délégué de la CGT espagnole, revient sur la
génèse et le déroulement de cette lutte exemplaire.
Quand a commencé la lutte pour les congés hebdomadaires ?
Chaque conducteur/trice pouvait répondre de façon différente à cette
question car les réponses sont nombreuses. Je suis rentré dans la
compagnie en 1992 et on pouvait déjà sentir le mécontentement des gens
sur le système de congés. En 2000, après une semaine de conflit, nous
avons obtenu un repos de 16 jours de plus par an, dont treize en week end.
Cette augmentation, en réalité, venait de l'allongement de la journée
de travail de 24 minutes, d'où un coût minime pour l'entreprise (pas une
minute de réduction de la journée annuelle). Le personnel accepta l'accord
parce que la nouvelle distribution de la journée permettait, pour la
première fois chez TMB, que le personnel puisse profiter de week-ends
complets, treize dans l'année. Naturellement cet accord était insuffisant
et peu après le personnel redemanda davantage de jours de congés, mais
cette demande, à chaque convention, passait à la trappe, puis que les
Commissions Ouvrières (CCOO) et l'UGT signaient des conventions qui ne
donnaient pas une minute de réduction de la journée de travail.
En octobre 2007, alors que la convention durait encore pour 15 mois, à la
CGT, avec d'autres camarades, nous avons estimé que, profitant de la
publication du décret – royal 902 (réglant le temps de congés et de
travail dans le secteur du transport) le moment était arrivé de lutter
pour les deux jours de repos hebdomadaires, avant que les syndicats
habituels ne nous coincent. La grande assistance de conducteurs et de
conductrices à la première assemblée du 21 novembre, lors d'un débrayage
de quatre heures que nous avions lancé, nous donna la confirmation que non
seulement c'était le bon moment, mais que cette fois la lutte serait
dirigée par nous qui subissons les effets du manque de repos.
Quelle est la représentation des syndicats chez TMB et la force de chacun
d'eux ?
Aux dernières élections syndicales la CGT a eu 7 délégués sur 27, le reste
des syndicats, ACTUB, CCOO, UGT et SIT chacun 5. Sur ces 27 délégués du
Comité d'entreprise 18 sont des conducteurs et 11 d'entre eux (5 de CGT, 5
d'ACTUB et un qui a laissé le SIT) ont activement appuyé la mobilisation.
De leur côté, CCOO, UGT et SIT ont d'abord essayé de passer outre l'unité de l'assemblée, mais en étant complètement désavoués par leurs affiliés
ils sont restés en marge du conflit, tout en profitant de la moindre
occasion pour mettre des bâtons dans les roues. Ils ont démontré par là
que leur véritable souci n'était pas d'obtenir une améliorations des
conditions du personnel, mais de ce qui les intéressait réellement et
continue de les intéresser est de garantir le maintien de leurs privilèges
à TMB.
La CGT étant le syndicat le plus représenté dans le Comité d'entreprise
des autobus de TMB, cela a –t-il rendu possible l'autogestion de la lutte
?
Sans doute le fait que la CGT soit le syndicat avec la plus grande
représentation a beaucoup joué, car cela indique le degré de prise de
conscience du personnel. Nos délégués, avec ceux d'ACTUB et celui
qui a quitté le SIT, ont misé fortement sur l'assemblée comme forme
d'organisation et de direction de notre lutte. Et nous avons profité de
notre présence dans le Comité d'entreprise pour que celui-ci se soumette à l'assemblée.
Tout en n'ayant pas la majorité au Comité (13 sur 27), le soutien de
l'assemblée nous a permis d'obtenir la présidence, ce qui a pesé fortement au moment décisif, pour que le Comité d'entreprise ne devienne pas un obstacle. Notre lutte ne ressemble en rien à ce à quoi nous sommes habitués. Nous les syndicats combatifs, nous avons mis notre organisation au service du personnel et de l'assemblée. De son côté, la direction de l'entreprise a clairement compris que les camarades devant négocier avec elle avaient besoin d'obtenir le soutien de l'assemblée pour aboutir à un accord.
Nous avons utilisé la vieille arme du syndicalisme de lutte de classe :
l'assemblée générale souveraine, l'action directe, les piquets, le respect
et la démocratie directe… Et le succès est le résultat de notre
mobilisation démontre que quand nous les travailleurs nous utilisons nos
armes, et non pas celles que le pouvoir nous laissent, il est
beaucoup plus probable que nos revendications aboutissent.
Quelle a été l'attitude de la direction de TMB et de l'Administration ? Et
des médias ?
Après une période initiale où la direction de TMB a fait la sourde oreille
et tenté de manipuler, sans y arriver, elle s'est rendue compte que les
choses avaient changé et qu'elle devait non plus négocier avec
avec leurs partenaires habituels, mais bel et bien avec la majorité des
conducteurs/trices mobilisés.
La direction de TMB a d'abord essayé, avec l'aide de ses syndicats
maisons, que le personnel s'épuise et jette l'éponge. Mais du fait que ce
n'est pas arrivé, l'Administration publique, par l'intermédiaire de la
Mairie de Barcelone (PSC-IC [PS catalan et Gauche catalane]), a dû prendre directement le relais. Comme on pouvait s'y attendre de la part de partis « progressistes » gouvernant la ville, ils ont cherché à pousser les habitants contre nos revendications. Pour ce faire, ils ont fait usage de tous les moyens possibles : annonces payées dans la presse, brochures et principalement des articles d'opinion dans les médias les soutenant et vivant de leurs subventions.
La réponse des travailleurs a été extraordinaire, de mêmes que celle des
différents collectifs qui vous ont appuyé. Est-ce grâce à eux que vous
avez réussi les mobilisations que vous avez lancées ?
Tout ne baignait pas dans l'huile. Tout en ayant un suivi presque total du
personnel, nous avons eu des jours difficiles, surtout à l'aube aux portes
des dépôts quand il fallait faire face aux voyous de chefs et de la police
qui agissait comme un corps unique. Les gens en dehors de TMB qui nous ont appuyés ont été un élément fondamental dans ces moments, comme lorsque notre lutte s'est étendue et s'est radicalisée. Je crois que, sans ce soutien, le résultat de notre lutte aurait été très différent.
Maintenant que cet accord a été obtenu, dans quelle situation êtes-vous ? Jusqu'où êtes-vous prêts à aller ?
Le résultat de notre mobilisation fait que nous allons commencer, pour la
première fois, la négociation d'une convention collective en ayant acquis
plusieurs points. Maintenant il s'agit que ce qui a été conquis, soient
les jours de repos hebdomadaires, apparaissent dans la convention. Il ne faut pas non plus oublier que la convention ne touche pas seulement les conducteurs/trices, c'est maintenant tout le personnel qui va vouloir des améliorations de ses conditions de travail. On peut donc s'attendre, si l'entreprise n'a pas compris la leçon, à de nouvelles mobilisations.
Rien pour ce mois