Publié le jeudi 25 juillet 2019
Janine Phillips Africa et Janet Holloway Africa ont été libérées le 23 mai 2019, après plus de quarante ans de prison. Elles appartenaient au groupe Move, de double inspiration anarcho-primitiviste, proche des Rastafari, et de lutte pour l’égalité des droits, inspiré des Black Panthers.
This is America
Le groupe Move a fait l'objet d'une véritable saga médiatique et policière dans les années 1978 à 1985, date à laquelle, après la troisième intervention de la police, qui a encerclé et fait sauter des explosifs sur la maison (et une soixantaine de maisons de voisins, essentiellement afro-américains, alors que l'assaut avait été légitimé par des "plaintes de voisinage") les derniers survivants ont été emprisonnés pour détention illégale d'armes (lesquelles n'étaient pas chargées) et menace terroriste, avec des peines allant de trente à cent ans. La mort d'un policier au cours d'un des assauts (il semblerait qu'il ait été tué avec l'arme de l'un de ses collègues, la culpabilité des membres de Move n'ayant jamais été prouvée) a renforcé la violence avec laquelle les Move ont été traités. La phrase "Attention Move... This is America" prononcée par les forces de police au moment de l'assaut en dit long sur les raisons de cette répression, disproportionnée par rapport aux actes réels. Les Move sont des prisonniers politiques, coupables d'avoir dû affronter la police, d'être Noirs et d'avoir milité pour des idées, par leur vie comme par leurs discours et leurs actions.
Dangereux terroristes nouveaux-nés
Militant depuis les années 70 pour les droits des animaux et pour l'égalité, les "Move" ont été caractérisés comme des héritiers des "flowers power" comme des "Black power", et entendaient redéfinir le cadre familial loin des conventions américaines. C'est la raison pour laquelle la plupart de ses membres se sont donnés comme "nom de famille" Africa, qui rappelle le combat pour l'égalité des droits et l'attachement à une culture d'origine. Cette "famille" s'est créée dans une volonté de fonder un autre rapport de l'homme à son environnement et à l'autre, fondé sur le partage et le rejet de toutes les formes de discrimination. L'activisme s'est manifesté dans des actions et des discours contre des zoos et des cirques, contre tous les lieux où la maltraitance animale allait de pair avec une "American way of life" faite de prédations et de violences. Dans la maison, une quarantaine de chiens étaient hébergés et soignés après avoir survécu à des traitements cruels et sauvés par les activistes de Move. Janet et Janice, en prison, ont élevé un chien pour qu'il vienne en aide aux personnes les plus vulnérables. Pourtant, ce sont les enfants de Move qui ont été massacrés par les forces de police : deux ans avant le siège de 1978, la police s'est présentée à la Move House de Powelton Village et a commencé à harceler le groupe. Une bagarre s'en est suivie et Janine a été renversée alors qu'elle tenait son bébé de trois semaines dans ses bras. Le bébé a été piétiné, son crâne brisé. Il est mort plus tard dans la journée.
Puis, le 13 mai 1985, alors que Janine Africa était en prison depuis sept ans, elle a appris la terrible nouvelle que les autres membres de la "famille" de Move avaient été agressés une deuxième fois. À cette occasion, la police ne s'est pas contentée d'y aller en tirant des coups de feu, elle a largué une bombe incendiaire à partir d'un hélicoptère, ce qui a provoqué un incendie et détruit la Move House et 60 autres maisons dans un quartier majoritairement afro-américain. Onze membres de Move ont été brûlés à mort. Ils comprenaient le fondateur John Africa et cinq enfants, dont l'un était l'autre fils de Janine, Little Phil, âgé de 12 ans.
La libération conditionnelle de Janine et Janet Africa fait suite à la libération en juin dernier de Debbie Sims Africa, qui avait été arrêtée comme elles lors du siège de 1978 alors qu'elle était enceinte de huit mois et qui avait ensuite donné naissance à son fils, Michael Davis Jr, dans une cellule. Une quatrième femme, Merle Austin Africa, est morte en prison en mars 1998.
Au cours des quarante années de leur détention, Janet et Janine ont cultivé un petit jardin et élevé un chien, et ont aidé les détenues avec lesquelles elles étaient enfermées à supporter leur incarcération. Elles ont recréé derrière les barreaux un idéal de fraternité et de solidarité.
Le groupe Move existe toujours, et continue de dénoncer l'esclavage sous toutes ses formes, celui des hommes et celui des animaux. Enfin, si Janet et Janine ont été relâchées, plusieurs membres de groupe purgent encore leur peine. Le mouvement de libération des prisonniers politiques aux Etats-Unis se bat, à côté du collectif Mumia Abu-Jamal, pour leur libération et la reconnaissance des crimes d'Etat perpétrés à leur égard.
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