Publié le lundi 25 août 2008
Usant et abusant de la « diplomatie de la dénégation », les autorités
policières, judiciaires et politiques tunisiennes continuent à récuser,
avec la plus grande mauvaise foi, les témoignages sur les violations
graves et systématiques des libertés et des droits de l'homme en
Tunisie. Ainsi, Tunis « dément catégoriquement les violations des droits
de la personne » que lui prêtent les ONG. Les autorités soutiennent sans
vergogne qu'en Tunisie « les libertés publiques et les droits de l'homme
sont garantis par la Constitution et sont scrupuleusement respectés au
quotidien ». Quant aux faits rapportés par des témoignages multiples,
vérifiables et dignes de foi, ils seraient, à les en croire, autant
d'« allégations erronées ».
Cette obstination à vouloir tordre le cou à la réalité explique la
hargne et l'acharnement dont sont la cible les défenseurs des droits
humains. Victimes flagrantes de ces violations, ils sont « l'objet » des
différents appareils de l'Etat (policier, judiciaire, médiatique,
politique..) pour les étouffer à défaut de les faire taire :
surveillance « collante » et permanente ; violation de la correspondance
privée et attaque du courrier électronique, mise sur écoutes
téléphoniques illégales, agressions physiques et verbales ;
intimidations ; campagnes de calomnie, de dénigrement et de diffamation
organisées par des journaux et des sites orduriers ; harcèlement
policier multiforme, humiliations, fermetures des locaux des
associations, interdiction de sortie du territoire, pressions
économiques, fiscales, familiales… procès préfabriqués, emprisonnement
… Rien, absolument rien ne leur est épargné. Leurs droits individuels à
la protection de la vie privée, à la sauvegarde de l'intégrité
physique et la liberté circulation… sont bafoués. Leurs libertés
individuelles et publiques niées qu'il s'agisse de la liberté
d'expression, d'opinion, de presse, d'association, d'organisation.
Les exemples qui suivent, relevés durant ces deux derniers mois, ne
sont qu'une illustration de cette véritable guerre d'usure menée par
l'Etat RCD contre une poignée de militantes et militants qui
s'efforcent, par leur combat pour la liberté, de redonner de l'espoir à
un pays dont le pouvoir a fait « un désert politique » fondé sur la
soumission au président Ben Ali.
Outre nos propres sources, nous nous sommes référés aux informations
fournies par les organisations tunisiennes auxquelles nous tenons à
rendre un hommage appuyé : LTDH (Ligue tunisienne pour la défense des
droits de l'homme), CNLT (Conseil national des libertés en Tunisie),
ALTT (Association de lutte contre la torture en Tunisie), ATFD (
Association tunisienne des femmes démocrates) , association Liberté et
Equité, AISPP (Association internationale de soutien aux prisonniers
politiques), OLIPEC (Observatoire pour la liberté de presse, de
création et de création ) … ainsi qu'au travail courageux que mènent
les rares publications libres : Albadil, Al Mawquef, Mouwatinoun,
Tunisnews, Nawat…
Le CRLDHT, exprime sa solidarité agissante et son soutien indéfectible
à tous les défenseurs des libertés et des droits de l'homme en Tunisie.
Négation du droit à la protection de la vie privée
Massaoud Romdhani est, avec Abderrahmane Hédhili, porte–parole du
comité national de soutien aux populations du bassin minier du
sud-ouest tunisien. Il est aussi membre du comité directeur de la LTDH,
et responsable à l'union régionale de l'organisation syndicale UGTT de
Kairouan. Il est, depuis le début du mois de mai, sous surveillance
policière permanente. Une voiture – parfois deux- avec des policiers en
civil sont garées devant son domicile. Il arrive qu'un agent monte sur
le poteau télégraphique pour observer l'intérieur de la maison et
vérifier s'il est chez lui. Quand il se déplace dans la ville de
Kairouan, une moto – avec la/les voitures – le suit au point qu'il doit
même parfois s'arrêter pour éviter de la heurter. Les gens qu'il
rencontre sont systématiquement harcelés (contrôle d'identité,
pressions). Parfois, on l'empêche de quitter la ville de Kairouan ou
même sa maison. C'est ainsi que le mardi 20 mai 2008, il a été empêché
de regagner la ville de Sousse : accompagné de trois syndicalistes, il
a été arrêté sur la route et obligé de retourner à Kairouan à 21 kms à
pied, soit 4 heures de marche. Le vendredi 23 mai, il a pris le bus de
Kairouan pour aller à Tunis. Il a été arrêté au milieu de la route par
la gendarmerie de la circulation qui l'a informé qu'il était en état
d'arrestation et qu'il devait attendre l'arrivée d'une voiture pour le
récupérer. Une demi-heure après, un gendarme est venu le voir pour lui
annoncer qu'il était libre de ses mouvements et qu'il pouvait
continuer sa route. En arrivant à Tunis à bord d'une voiture-louage, un
groupe d'agents en civil lui a intimé l'ordre de remonter dans le
louage et de rentrer chez lui. Son refus d'obtempérer lui a valu une
avalanche de coups, d'insultes et de grossièretés. Il a été menacé de
« se faire briser les jambes » s'il tente de revenir à Tunis.
Mi-juillet, il a loué un appartement prés de la mer avec sa famille. Il
a été contraint d'interrompre son séjour et de rentrer chez lui à
Kairouan accompagné de sa famille à cause des pressions exercées sur le
propriétaire, convoqué chaque jour par la police. Même au bord de la
mer, la surveillance des policiers n'a pas cessé. Le 7 juillet 2008, sa
maison était encerclée par des dizaines de policiers qui l'ont informé
qu'il ne devrait en aucun cas quitter sa maison et ce, notamment afin
de l'empêcher d'assister à une réunion de solidarité avec les habitants
du bassin minier de Gafsa, organisée dans le local de la section
syndicale de l'UGTT à Kairouan. Ses voisins et sa famille subissent une
pression policière étouffante et Massaoud Romdhani ne peut plus avoir
aucune vie privée.
Intimidations et humiliations à l'aéroport
Sihem Bensedrine, journaliste et porte parole du CNLT, a été agressée
à l'aéroport de Tunis Carthage et empêchée de quitter le territoire le
mardi 19 août 2008 alors qu'elle se préparait à prendre un vol pour
Vienne. Ayant subi une fouille méticuleuse de son sac à main et de son
sac à dos où se trouvait son ordinateur portable, elle a été l'objet de
harcèlement jusqu'au départ de l'avion. Des agents de la police
politique l'ont brutalisé jusqu'à la faire tomber par terre, tout en
jetant le contenu de son sac ainsi que son passeport. Le mois de mars
2008, Sihem Ben Sedrine a fait l'objet d'une agression dans des
conditions similaires au Port de la Goulette à la suite de laquelle
elle a déposé une plainte en justice, restée sans suite.
Me Anouar Kousri et Me Samir Dilou ont été victimes d'intimidations
lors de leur retour à Tunisie après avoir participé à une tournée
européenne organisée par Amnesty International à l'occasion de la
publication, le 23 juin 2008, du rapport de celle-ci intitulé « au nom
de la sécurité : attentes aux droits de l'homme en Tunisie ». Me Kousri
a été l'objet, lors de son retour à Tunis le 29 juin 2008,
d'intimidations de la part des agents de la douane et de la police qui
lui ont imposé une fouille minutieuse des bagages. Refusant de se
soumettre à une fouille au corps humiliante, Me Kousri est resté bloqué
pendant deux heures. Six agents en civil l'ont alors encerclé et
violenté. Deux d'entre-deux l'ont emmené de force dans une pièce
étroite (2m x 2m), où deux douaniers ont tenté sans succès de le
fouiller au corps. Me Samir Dilou, membre de l'association
internationale de soutien aux prisonniers politiques, a été victime
d'intimidations similaires.
Les proches des défenseurs des droits de l'homme font l'objet de
tracasseries commises par les autorités en toute impunité. C'est ainsi
que des citoyens paisibles sont privés de leurs passeports ou empêchés
de sortir du territoire uniquement dans le but d'exercer des pressions
sur leurs proches, opposants ou défenseurs des droits humains. C'est le
cas récemment de Raja Kousri, soeur d'Anwar Kousri, qui a été privée de
son passeport tunisien et empêchée de regagner la France , le 20 août
2008.
La mise en état de siège de la liberté d'information
Slim Boukhdir, journaliste, a été libéré le 21 juillet 2008 grâce à la
mobilisation nationale et internationale, après avoir passé huit mois
de détention suite à sa condamnation, le 4 décembre 2007, à un an de
prison ferme par le Tribunal cantonal de Sakiet Ezzit pour “outrage à
un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions” et “atteinte aux
bonnes mœurs”, au terme d'un procès inéquitable
La chaîne privée de télévision satellitaire tunisienne « El Hiwar » (le
dialogue), a été l'objet, pendant ces derniers mois, d'une nouvelle
campagne d'intimidation : son correspondant dans la région du bassin
minier de Gafsa, Fahem BOUKEDDOUS, est, en ce moment, recherché par les
autorités suite à sa couverture journalistique de la contestation
sociale qu'a connue la région depuis le début de l'année. Boukeddous
est ainsi contraint depuis le début du mois de juillet à la
clandestinité. Le 9 Juillet 2008, Mouldi ZOUABI, correspondant de la
chaîne dans la région de Jendouba, a été sauvagement tabassé par des
agents de la garde nationale qui lui ont confisqué son téléphone mobile
et sa caméra, avant de le jeter dans un fossé au bord d'une route. Le
directeur de la chaîne, Tahar Ben HASSINE qui subit, depuis le
lancement de la chaîne, une surveillance policière, a été l'objet
d'intimidations et de pressions. Son domicile a été mis sous
surveillance policière de même que les locaux de « El Hiwar » à Tunis.
Les accès à Internet qui servent de moyens de transmission vers
l'émetteur satellite ont été bloqués. Ainsi, la chaîne et ses
animateurs n'ont cessé de subir les intimidations de tout genre :
agressions (10 agressions au moins en un an), confiscation illégales
de caméras (au nombre de 13 caméras).
Le piratage du courrier électronique est devenu, ces derniers mois, le
nouveau domaine où le pouvoir tunisien traque les personnalités
politiques, les défenseurs des droits de l'homme et les militants
associatifs. Ce piratage ne fait que s'intensifier et touche de plus en
plus de personnes en Tunisie. Plusieurs personnalités de l'opposition
et de la société civile tunisienne, en témoignent (voir l'article :
Opération main basse sur les emails, à consulter à l'adresse suivante :
http://www.nawaat.org/portail/2008/08/20/tunisie-operation-main-basse-
sur-les-emails/.
Des tests lancés par des internautes, cités par l'article mentionné
ci-dessus, à la fois en Tunisie et à l'étranger montrent que le même
message envoyé vers une adresse email quelconque, arrive à destination
quand le courrier est consulté à partir de l'étranger et disparaît
quand celui-ci est consulté à partir de la Tunisie. Ces tests, captures
d'images à l'appui, ne font aucun doute sur le fait que les boites de
courrier électronique des Tunisiens, sont sous surveillance et sous
contrôle, en dehors de toute légalité. Plusieurs témoignages montrent
que ce piratage s'opère dans deux sens : 1- Tous les emails sortants
d'une boite email donnée n'arrivent jamais à son destinataire. 2- Tous
les emails adressés à une adresse email donnée n'atterrissent jamais
dans la boite de réception. Des experts en informatique, précisent
qu'un contrôle à ce niveau et avec une telle ampleur, ne peut s'opérer
qu'au niveau des infrastructures nationales, sachant que le réseau
tunisien est placé sous le contrôle complet de l'Etat, à travers
l'opérateur historique Tunisie Télécom, ainsi qu'à travers l'ATI
(Agence Tunisienne de l'Internet).
Tous ces témoignages, ne laissent aucun doute sur l'existence d'une
véritable police d'Internet, qui opère sans aucun contrôle, qui commet
des actes de piraterie, répréhensibles par la loi tunisienne, le plus
souvent en étroite collaboration avec le service de police politique du
ministère de l'Intérieur. Il s'agit ni plus, ni moins d'une violation
du secret de la correspondance.
Les opposants et les défenseurs des droits humains sont en permanence
l'objet de menaces inadmissibles, d'attaques scandaleuses et de
diffamations les plus odieuses d'une certaine presse de caniveau (Al
Hadath et As Sarih, hebdomadaires ayant pignon sur rue à Tunis) et des
sites qui se sont spécialisés dans la provocation verbale et le
colportage à leur encontre (www.biladi.co.uk et www.bilmakhchouf.org).
Sous couvert d'une information « confidentielle » où les approximations
grotesques dans la relation de faits connus le dispute aux mensonges,
la prose de ces différents supports consiste à faire l'éloge
systématique du régime tunisien et à appliquer à ses opposants le credo
tristement célèbre : « mentir, salir, mentir, salir, il en restera
toujours quelque chose ». Cette démarche qui trahit en réalité
l'irritation des autorités tunisiennes, exprime sa volonté de museler,
par la peur et la calomnie, des citoyens dont le tort est de ne pas
être aux ordres.
La négation de la liberté d'expression et de manifestation
Après la manifestation qui a eu lieu à Bizerte à l'occasion de la Fête
de la république, le 25 juillet 2008, la police a procédé à
l'arrestation des opposants et des défenseurs des droits de l'homme
ayant pris part à cette manifestation pacifique au cours de laquelle
des slogans ont été scandés et des banderoles brandies. Tous témoignent
des conditions d'arrestations proches du rapt : littéralement enlevés
par les agents venus en nombre alors qu'ils se trouvaient dans un café
à Ain Bitar (Menzel Jmil), ils ont été amenés au siège de la Sûreté de
l'Etat au ministère de l'Intérieur pour y être interrogés et
contraints, sous la menace physique, d'apposer leur pouce en bas de PV
qu'ils refusaient de signer n'ayant pu les lire. Le Procureur de la
République du Tribunal de Première Instance de Tunis les a fait déférer
devant le juge cantonal de Bizerte (affaire n°81453) afin qu'ils soient
jugés le mardi 29 juillet pour « attroupement sur la voie publique et
outrage aux bonnes mœurs » ! Il leur est reproché en réalité d'avoir
exercé leur droit à l'expression. Reportée au 5 août à la demande de la
défense, l'affaire a été jugée par la Chambre pénale du tribunal
cantonal de Bizerte, présidée par le juge Fethi Belhasiine. Celui-ci a
condamné à six mois ferme Othman Jemli (membre de l'AISPP) et Ali
Neffati (ancien détenu politique), et à six mois d'emprisonnement avec
sursis Faouzi Sadkaoui (membre de l'association AISPP) et Khaled
Boujemaa (membre de l'association Equité et Liberté).
Présente massivement, la police a interdit aux observateurs des
organisations de droits de l'homme et des partis politiques d'assister
au procès. Ainsi, Maître Abdelwahab Maatar a été violemment agressé et
ses lunettes brisées. Son épouse, Me Fadwa Maatar a été l'objet de
propos orduriers en présence du juge. De nombreux militants ont été
agressés notamment : Hamed Mekki, transporté dans un état inconscient à
l'hôpital. Heba Mekki a été violemment bousculée et insultée. Oualid
Ben Romdhane a été blessé à la tête. Hamza Hamza (membre du bureau
exécutif de Liberté et Equité) a reçu des coups de poings et de pieds
lui occasionnant des contusions au dos et à la tête. Takoua Bouazizi a
été tirée par la tête et frappée sur le dos. Yassine Bejaoui, membre du
Parti démocratique progressiste, a subi le même sort.
La mobilisation des familles, la solidarité et le courage des
différents acteurs de la société civile et les différentes initiatives
et témoignages de soutien aux défenseurs injustement condamnés ont
fini par payer : Othman Jemli et Ali Neffati ont été élargis le 19 août
2008.
La négation de la liberté de réunion et d'association
Le lundi 14 juillet 2008, Me Mohamed Nouri, président de Liberté et
Equité, Mohamed Gueloui, membre du bureau exécutif, Ali Isbaï et
Oussama Ellouze se sont vus interdire l'entrée dans la ferme de Me
Nouri à Slimane. Arrêtés, Mohamed Ghueloui et Oussama Ellouze ont été
conduits au district de Grombalia dans le gouvernorat de Nabeul.
Mohamed Gueloui a été ensuite transféré au poste de la Sûreté de Gabès.
Depuis le 29 juillet et pendant plusieurs jours, les policiers ont
encerclé le domicile de Me Mohamed Nouri interdisant toute visite.
De même, le domicile du frère de Hamza Hamza, membre du bureau exécutif
de Liberté et Equité, a fait l'objet, le lundi 28 juillet 2008 dans
l'après midi, de la surveillance des policiers qui ont procédé à des
vérifications systématiques d'identité.
Le siège de l'association Liberté et Equité est surveillée en
permanence et la porte de l'immeuble du 33 rue Mokhtar Atya condamnée à
plusieurs reprises. Abdelkarim Harouni, membre du bureau exécutif de
Liberté et Equité, a été arrêté, le samedi 28 juin 2008 vers dix heures
du matin par la police politique alors qu'il se rendait sur la tombe
de sa mère en compagnie de son père. Le 5 juillet 2008, deux voitures
des agents de la police politique ont fait le siège de son domicile à
El Kram, banlieue de Tunis, pendant deux jours d'affilée sous prétexte
qu'il ne devait pas quitter la région qu'après en avoir informé les
autorités policières et obtenu les autorisations préalables.
Le 12 août 2008, Zouhir Makhlouf, secrétaire général de Liberté et
Equité, a été victime d'une filature policière pendant laquelle il n'
cessé d'être insulté par des agents de la police politique. Ces
derniers étaient à bord de voitures de marque Isuzi immatriculées :
68-TU-9798, 63-TU-7561 et une voiture de marque Peugeot 409
immatriculée 127-TU-3011.
Rappelons que les activités de la LTDH sont neutralisées par la
surveillance policière et la fermeture des locaux de ses sections alors
que l'ATFD s'est vu empêchée de mener à bien ses activités au
quotidien.
La criminalisation de la solidarité
Le dimanche 27 juillet 2008, Zakia Dhifaoui, membre de la section de
Kairouan de la LTDH et membre du Forum démocratique pour le travail et
la liberté (FDTL) a été arrêtée peu après 12h, à Redeyef (sud ouest) au
domicile de Adnen Hajji - porte parole du mouvement des populations du
bassin minier- alors qu'elle se trouvait en compagnie de Mme Hajji.
Cette interpellation sans mandat et en violation des procédures légales
a eu lieu suite à une marche pacifique qui s'était déroulée tôt dans la
matinée à Redeyef en solidarité avec les personnes emprisonnées et au
cours de laquelle Zakia Dhifaoui avait pris la parole. Un mandat de
dépôt a été émis contre elle ; elle a été déférée devant le tribunal
correctionnel de Gafsa le 31 juillet puis condamnée le 14 août 2008 à 8
mois de prison ferme en compagnie de six des coinculpés qui, pour leur
part, ont écopé de 6 mois de prison ferme. (voir le communiqué du
CRLDHT en date du 18 août 2008).
Le règne de l'arbitraire policier et judicaire
Le 28 juillet 2008 au matin, Lotfi Hajji (vice président le la section
de la LTDH de Bizerte) et Mohamed Hédi Ben Saïd (membre de la section
de la LTDH de Bizerte) ont été arrêtés par la police à la sortie de
l'autoroute reliant Bizerte à Tunis. Après un contrôle de « routine »
qui a duré plus d'une heure, la police a restitué ses papiers à Mohamed
Ben Said qui conduisait la voiture. Quelques instants plus tard, ils
ont été interceptés par une autre patrouille. Les policiers ont, cette
fois, prétendu que Ben Said avait refusé d'obtempérer à leur injonction
de s'arrêter. Il a été arrêté et conduit de force au poste de police et
sa voiture conduite à la fourrière. Il a été écroué à Bouchoucha sous
l'inculpation de « refus d'obtempérer » aux ordres de la police de la
circulation.
Le même jour, Ali Ben Salem (président de la section de Bizerte de la
LTDH) a été arrêté par la police de la circulation à la sortie de
l'autoroute reliant Bizerte à Tunis et retenu durant plus d'une heure
sans raison. Il devait aller à l'hôpital Charles Nicole à Tunis pour y
subir un examen de contrôle. il était accompagné d'enfants de sa
famille qui ont attendu comme lui sous un soleil de plomb. La police
l'a obligé à rebrousser chemin et à venir récupérer ses papiers à
Bizerte.
le 2 août 2008, Me Abderrouf Ayadi a été violemment agressé par le
directeur de la prison de Mornagia, M.Ibrahim Mansour, alors qu'il
terminait une visite de son client, Mohamed Hédi Ben Said. Le directeur
de la prison avait exigé que sa serviette soit passée à la fouille, ce
que Me Ayadi a refusé. Il s'est alors jeté sur lui en le violentant
avec l'aide de trois de ses agents, lui a arraché de force sa serviette
et confisqué son téléphone portable. Me Ayadi souffre d'une entorse au
poignet droit ainsi que d'hématomes sur le corps constatés par un
médecin. Il a porté plainte et le barreau a publiquement dénoncé cette
agression. Le 6 août 2008, Mohammed Hédi Ben Saïd a été condamné par Le
tribunal cantonal de Tunis à deux mois d'emprisonnement.
La répression et l'arbitraire s'étendent aux Tunisiens résidant à
l'étranger. C'est ainsi que Ess'ghaier Belkhiri, 29 ans, originaire de
Redeyef et résidant à Nantes, a été arrêté le vendredi 1er août 2008 à
son arrivée au port de la Goulette en Tunisie. Il a, ensuite, été
transféré à Gafsa où il a comparu, le lundi 4 août 2008, devant le juge
d'instruction près le Tribunal de première instance de Gafsa qui a
ordonné son incarcération. M.Ess'ghaier Belkhiri, poursuivi pour sa
solidarité avec la lutte des populations du Bassin minier, est accusé
de « dégradation de biens d'autrui, atteinte aux bonnes mœurs,
rébellion de la part de plus de dix personnes sans usage d'arme,
atteinte à un fonctionnaire, jet de produits solides, troubles et
perturbations sur la voie publique", soit des mêmes accusations que les
détenus vivant en Tunisie alors qu'il réside en France.
Le harcèlement systématique des avocats
Le 5 août 2008, seize avocats tunisiens ont publié une déclaration dans
laquelle ils constatent l'accroissement des agressions de la part de
forces de sécurité agissant désormais sans aucune retenue :
Harcèlement des avocats sur les routes menant au tribunal de Gafsa
afin de retarder leur arrivée aux audiences. Certains ont été sommés
de ne pas quitter les villes où ils résident.
Refus de visite pour certains avocats à leurs clients
poursuivis dans les affaires instruites suite aux événements du bassin
minier de Gafsa : Me Radhia Nassraoui, Me Ali Kalthoum, Me Ridha
Raddaoui, Me Naji Ouari, ont été ainsi empêchés, en dépit du fait
qu'ils avaient obtenu les autorisations nécessaires, pendant trois
jours de suite, de rendre visite à leurs clients dans les prisons de
Kasserine et Sidi Bouzid. L'administration a totalement ignoré le
sit-in de protestation qu'ils ont organisé devant la prison de
Kasserine jusqu'à une heure tardive de la nuit.
Agression physique orchestrée par la police politique et les
gardiens de prison contre des avocats dans l'exercice de leur métier :
el le cas de Me Abderraouf Ayadi, le 2 août 2008 lors de la visite de
son client à El Mornaguia ; le cas de Me Abdelwahab Maatar insulté par
les agents de la police politique dans l'enceinte même du tribunal, au
vu et au su du juge du tribunal cantonal de Bizerte, la police ayant
refusé avec mépris d'obtempérer aux ordres du juge.
Les avocats signataires dénoncent ces agressions et déclarent leur
volonté d'accomplir leur devoir de défendre les droits de l'homme. Ils
appellent les organisations de la société civile, les organisations
syndicales et les partis politiques à faire pression sur le pouvoir
pour qu'il cesse les agressions contre les avocats, respecte la
Constitution et la loi et poursuive les auteurs des agressions.
Me Mondher Charni, Me Radhia Nassraoui, Me Abderraouf Ayadi, Me
Abdelwahab Maatar, Me Fadwa Maatar, Me Ridha Raddaoui, Me Karim Katib,
Me Jani Zouari, Me Ali Kalthoum, Me Mohamed Abbou, Me Ahmed Essedik, Me
Chokri Belaid, Me Abdennaceur Laouini, Me Samir Dilou, Me Mokhtar
Trifi, Me Anouar Kosri.
C.R.L.D.H. Tunisie
Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l'Homme en Tunisie
membre du Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l'Homme
21ter rue Voltaire – FR-75011 PARIS - Tel/Fax : 00.33.(0)1.43.72.97.34
contact crldht.org / www.crldht.org
Paris, le 21 août 2008.
Rien pour ce mois