Entretien avec nos camarades d'IP, confédération polonaise, membre de la Coordination rouge et noire
Publié le jeudi 16 janvier 2014
Inicjatywa Pracownicza (IP) travaille en Pologne, à la réactivation du syndicalisme révolutionnaire. Rencontre le 15 novembre dernier lors du meeting de la coordination Red & Black (Rouge et noire) dont la CNT fait partie, depuis son origine.
Quel est le contexte général en Pologne ?
Nous ne vivons pas la crise de la même manière qu’en Europe occidentale ou méditerranéenne. Il n’y pas eu de chute brutale du budget des services publics ou des collectivités territoriales, ni de plans sociaux massifs. Mais la situation des travailleurs s’est sérieusement détériorée depuis la transformation capitalistique de l’économie de l’époque communiste, la Pologne ayant été le laboratoire du néo-libéralisme. On observe peu de résistance parmi les travailleurs, malgré un regain récent des luttes. En réalité, la crise est perceptible depuis peu en Pologne, car les changements ont été opérés peu à peu depuis 1989.
Il y a eu une grosse mobilisation à l’automne, avec des mots d’ordre de grève générale. Sous la pression des travailleurs, les gros syndicats bureaucratiques ont dû quitter la table du Comité du dialogue social national. Une première depuis 1989 : ils ont appelé à la grève contre les réformes du marché du travail. 200 000 personnes ont manifesté à Varsovie en octobre, des chiffres là aussi inédits depuis 1989. Ils ont finalement annulé la grève au dernier moment, ce qui n’est pas étonnant, car ces syndicats sont la plupart du temps passifs et complices des gouvernements successifs. Pour nous, il fallait soutenir le mouvement, développer les pratiques de luttes auto organisées, basées sur la grève et l’action directe, car ces idées n'étaient pas évidente. Et il faut profiter de la popularité rare du mouvement (70% de soutien de la population).
En quoi consistent ces réformes du marché du travail ?
Elles ont pour but de flexibiliser totalement le temps de travail : au lieu d'heures sup payées, les employeurs pourront imposer une journée de vacances aux salariés. Cette réforme s’ajoute à celle des retraites, établie en avril 2012. L’âge de départ en retraite passera de 60 à 67 ans d’ici 2040, pour les femmes, de 65 à 67 ans, d’ici 2020 pour les hommes. Et la situation sociale des retraités s’aggrave : alors qu’il a globalement reculé en Europe, le taux de pauvreté des plus de 65 ans a augmenté ici.
Le mouvement de l’automne a dénoncé aussi la montée de précarité et des « junk contrats ». Plus de 30% des travailleurs, proportion record en Europe, sont concernés par ces contrats courts, fondés parfois sur le droit civil, moins protecteur que le droit du travail. On peut comparer cela aux auto entrepreneurs en France. Enfin, la mobilisation concernait aussi les bas salaires. Alors que le salaire minimum est de 300 euros, beaucoup d’ouvriers et d’employés sont juste au dessus du SMIC.
Quelles sont les implantations d’IP ?
Il est difficile de se développer dans les entreprises avec le système actuel. En Pologne, un syndicat peut s'implanter légalement dans une entreprise si la section regroupe au moins 10 % du personnel. Si c'est le premier syndicat que compte l'entreprise, il représente automatiquement l'ensemble des salariés. Seuls les syndicats peuvent appeler à la grève.
Nous sommes implantés principalement dans quatre régions du pays, dont Poznan et Varsovie. Nous avons notamment des syndicats dans les hôpitaux, les services publics sanitaires et sociaux, la culture, (théâtre, cinémas). Nous organisons en janvier une rencontre nationale du secteur de la culture, où nous discuterons notamment de la politique de réduction budgétaire actuellement menée en Pologne. En attendant, IP organisera un piquet de grève le 20 décembre en lien avec les travailleurs des garderies, touchés aussi par cette politique. Nous sommes aussi présents dans l’industrie. Ici à Poznan, nous avons une section à Cegielski, une usine qui produit des moteurs pour navires. Un lieu symbolique où les ouvriers avaient initié le soulèvement de la ville, en 1956 contre le régime stalinien. IP a démarré dans cette usine et a organisé plusieurs grèves appelées plyta.
Dans l’électronique, nous avons une section à Chung Hong, un sous traitant du Sud-Coréen LG. Nous y avons organisé et soutenu une lutte très dure en 2012 [1] . Cette affaire nous a beaucoup occupés car la répression a été très forte avec 25 travailleurs licenciés. Nous avons aussi soutenu une importante grève de la faim de migrants dans des centres de rétention l’an passé. Impliquée dans les questions de société, IP est aussi très concernée par l’antifascisme. [2]
Propos recueillis par David, Secrétariat international de la CNT-F
[1] Un film a été réalisé sur ce mouvement.http://en.labournet.tv/laender/polen.
[2] Deux grands squats ont été attaqués par les fascistes, le 11 novembre, jour de la fête nationale. Une contre manif a été organisée.
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