Publié le lundi 13 novembre 2006
Au Bengladesh, un éventail de plus en plus large de groupes de travailleurs, allant des paysans sans terre, aux ouvriers du secteur textile, des enseignants, se mobilise pour des conditions de vie décentes, pour la justice sociale .
La Bangladesh Krishok Federation, BKF, organisation de paysans sans terre et de petit paysans et la Bangladesh Kisani Sabha, BKS (organisation spécifique de femmes paysannes), ont vu le nombre de leurs adhérants considérablement augmenter ces derniers temps. Selon la BKF, près de 300 000 personnes ont rejoint leur rang ces deux dernières années, montrant ainsi que leur politique d'occupation de terre payait ses fruits en termes de nouveaux adhérants. Ainsi, durant la fin de l'année 2004, ils ont réussi une occupation à grande échelle dans le nord du pays. Cette occupation a permis l'installation de quelques 10000 sans terre sur des parcelles permettant de construire une habitation et d'exploiter un petit jardin potager. Dans le sud du pays, où vivent déjà sur des terres occupées près de 100 000 personnes, une série de nouvelles occupations ont commencé au printemps 2006.
Des meetings en ville et à la campagne sont tenus régulièrement et des comités locaux sont constitués et régulièrement renouvelés. Ces dernières années, les leaders locaux et nationaux sont constamment sur les routes, parcourant le pays de part en part, essayant d'organiser localement les paysans sans terre.
Cependant le développement et les succès de la BKF et de la BKS s'accompagnent d'une répression de plus plus forte de la part des autorités, des forces de police et des forces réactionnaires en général. En plus du harcèlement policier, les sans terre occupant des sites ont a subir des violences physiques touchant souvent les femmes, comme par exemple des attaques à l'acide, des menaces de mort et quelques fois des assassinats.
Dans le nord du pays, suite à l'occupation des quelques 10000 sans terre, des milices furent formées, à l'initiatives de gros propriétaires terriens d'après les témoignages que nous avons recueilli, pour faire fuir les nouveaux installés. Cette opération d'intimidation se solda par un échec, grâce à la mobilisation paysanne. Elle fit malgrès tout quelques dizaines de blessés, dont un grave et plus d'une quarantaine de maisons furent incendiées par les nervis. Plus récemment encore, 20 leaders locaux de l'une des premières îles occupées du sud du pays, char Hadi, ont été emprisonnées, faussement accusés de différents crimes. Assez "curieusement", ces 20 leaders paysans ont été arrêtés juste après une campagne réussie contre la privatisation de l'eau dans le secteur de Dashmina (sud du pays).
A la fin de l'hivers dernier, une délégation de la SAC et de la CNT s'est rendue sur les sites occupés par les paysans. Certains de ces sites étant occupés depuis plus de 10 ans et d'autres depuis moins d'un an, nous avons pu nous rendre compte de l'étendue du travail effectué et de la difficulté de pérenniser les occupations, difficulté liée à la fois aux conditions de pauvreté extrême ainsi qu'aux diverses pressions et attaques que les paysans ont a subir régulièrement.
A la fin du printemps, au moment où les sans terre déclaraient une nouvelle occupation dans le sud, les travailleurs du textile de la région de Dhaka se sont mobilisés massivement. Durant plusieurs semaines, en mai et juin, des milliers de travailleurs du textile, principalement dans l'EPZ Dhaka (Export Processing Zone), prirent la rue et démarrèrent des manifestations, pour certaines assez violentes. Plusieurs usines furent brûlées, il y eu des émeutes violentes et de nombreux manifestants furent blessés et arrêtés. De nouveaux affrontements eurent lieu au milieu du moi de juillet. Après un accord préliminaire (Memorandum of Understanding), la situation s'est un peu refroidie, les travailleurs du textile attendant les résultats de la discussion tripartite (gouvernement, patronat et exportateurs) visant à définir de nouveaux minima salariaux. Une fois les résultats de la discussion tripartite rendus publiques, au début d'octobre, les travailleurs du textile reprirent la rue et de nouvelles manifestations avec à nouveau des affrontements violents réaparurent à Dhaka et à Savar (près de l'EPZ).
Cependant, cette fois-là, il n'y eu aucun affrontement au sein de l'EPZ. Les revendications des travailleurs depuis le début des manifestations en mai étaient des salaires minimaux de 3000 taka par mois alors que le patronat, suite aux discussions tripartites, n'offrait que 1600 taka. Il est à noter que le salaire minimum à l'heure actuelle, 900 taka (soit 13 euros), n'a pas augmenté depuis 1994, bien que l'inflation ait été très importante. Ajouté à cela que la moitié des salariés du secteur textile (ce qui représente environ 1 million de personne et à peu près 60 % des exportations du Bengladesh) n'ont aucun jour de repos dans la semaine, que les drames comme par exemple l'incendie d'une usine de confection de Chitaggong qui a fait pas moins de 400 morts, ou encore l'effondrement de l'usine de l'EPZ l'an dernier, n'ont absolument rien changé sur les conditions de travail, on comprend que chez ces travailleurs le sentiment d'une exploitation totale ai pris des formes parfois très violentes.
Les mouvements dans le nord du pays qui choquèrent le pays pendant plusieurs semaines en 2006 ont pu également inspirer d'autres forces prolétariennes du Bengladesh. En effet, suite à la monté des prix des engrais chimiques, les petits paysans se soulevèrent violemment. Les routes furent bloquées, des bâtiments de l'administration publique locale furent incendiés. Pour les petits paysans ce combat fut un combat à la vie à la mort, la flambée des prix des engrais arrivant à un moment critique de leur production vivrière. Ce mouvement réussi en partie.
Considérant les travailleurs du secteur textile (principalement la confection), nous constatons qu'apparemment ils ne sont toujours pas satisfaits. Ils revendiquent toujours des minima salariaux à 3000 taka par mois alors que les exportateurs menacent, une fois de plus, de délocaliser la production en cas de hausse des coûts salariaux.
Les 15 et 16 octobre derniers, il y a eu de nouvelles manifestations dans le secteur avec des blocages de rue et des affrontement avec les forces de polices et des forces paramilitaires spéciales. On pouvait également noter certaines tensions entre les travailleurs mobilisés et certaines directions syndicales, les premiers se sentant trahis par ces dernières.
Durant le moi de juillet, les enseignants et les employés des écoles privés, des lycées et des universités se mobilisèrent à leur tour.
Environ 30000 institutions scolaires furent bloquées, les grévistes demandant une hausse de 100 % des salaires. Par endroit il y eu également des heurts avec les forces de police.
Il y eu aussi une mobilisation courageuse dans le nord du pays contre l'ouverture d'une mine à ciel ouvert, projet qui aurait eu un impact énorme sur l'environnement et sur la vie de milliers de personnes, principalement une minorité ethnique (Adivasi). Finalement, au prix de nombreuses vies, l'exploitant anglais dû se retirer.
Au début de cette année, le journal Asian Times mettait en garde face à une "talibanisation" du Bengladesh, au vue des attaques des forces fondamentalistes et de l'impact de leurs activités d'un coté et de l'autre de l'intérêt croissant que les Etats Unis d'Amérique portent au Bengladesh afin de les "aider dans lutte contre le terrorisme".
L'année 2006 aura montré au contraire que les luttes dans le pays ont pris un tournant différent : La lutte des classes plutôt que "les guerres de religion".
Il nous semble important de continuer de suivre de près ce qui se passe dans ce pays, tout en soutenant, et en accentuant notre soutien aux travailleurs qui y luttent et y pratiquent au quotidien, quelques fois à un prix extrêmement élevé, l'action directe !
Nous tenons à disposition de celles et ceux qui souhaiteraient débattre, discuter, s'informer sur la situation des paysans sans terre du Bengladesh et des travailleurs de divers secteurs industriels une exposition de photos prisent au printemps dernier lors d'une visite de la SAC et de la CNT. Pour plus d'informations contacter afrasie cnt-f.org.
Dragi Karevski
CNT éducation Nancy, SI secteur Asie
A partir de l’article original de Per Erixon, SAC.
Solidarité Internationale des Travailleurs
CNT Secrétariat International
Rien pour ce mois