Secrétariat international de la CNT

Recontre avec un camarade cheminot de Belgique

Publié le mercredi 23 octobre 2024

Ci-dessous, la traduction d’un texte écrit par un de nos contacts proche du secteur ferroviaire belge (SNCB) qui résume une discussion à propos de la situation syndicale là-bas, organisée par nos camarades de la CNT Nord-Pas-de-Calais

Dans le secteur ferroviaire belge, il y a 6 syndicats : 3 désignés, c'est-à-dire affiliés aux trois grandes fédérations (ACOD Spoor, ACV Transcom, VSOA Spoor) et 3 non désignés/indépendants (OVS, ASTB, Metisp). Voici dans les grandes lignes la situation légale à ce sujet :

Les décisions importantes concernant les travailleur·euses du secteur ferroviaire sont prises au sein de la « Commission paritaire nationale » (CPN), une situation de négociation typique du monde du travail. Le gouvernement désigne certains syndicats pour représenter les travailleur·euses au sein de cette commission (ceux affiliés aux grandes fédérations, à la différence des indépendants). Il est important de comprendre que cette désignation ne repose pas sur le nombre de syndiqué·es ou un vote des salarié·es pour élire leurs représentant·es, ni sur aucun autre paramètre sur lequel les salarié·es pourraient avoir de l’influence : les syndicats sont simplement désignés au bon vouloir du gouvernement.
Par exemple, le syndicat désigné VSOA Spoor a bien moins d’adhérent·es que le syndicat indépendant OVS. Or, VSOA Spoor étant plus influençable par la direction qu'OVS, il siège à la CPN alors qu'OVS n'y siège pas.

Pour ce qui est du droit à la grève, c'est simple : il n’existe pas. Il existe en théorie mais pas en pratique. Un bon exemple, c'est la grève spontanée des dépôts en 2018. La grève a éclaté parmi les conducteur·rices car les syndicats désignés avaient signé une augmentation de la productivité des conducteur·rices sans même les consulter. Metisp, un syndicat qui venait d'arriver dans le secteur ferroviaire environ un mois plus tôt, a tout de suite soutenu la grève et utilisé ses tout nouveaux droits en tant que syndicat pour émettre des préavis de grève afin de protéger la grève. La direction a rejeté les préavis de grève. Les autres syndicats indépendants (OVS et ASTB) ont commencé à émettre leurs propres préavis en soutien à la grève, qui ont également été rejetés par la direction.

Voici un autre point important à comprendre : les préavis de grève sont plutôt des demandes de grève que la direction est libre d’accepter ou de refuser comme ça lui chante. Voilà pourquoi j'ai dit que le droit de grève existe en théorie mais pas en pratique. En pratique, les syndicats indépendants voient généralement leurs préavis de grève rejetés alors que ceux des syndicats désignés sont acceptés. Cependant, ces derniers ne soutiennent pas les initiatives indépendantes de grève issues des travailleur·euses elleux-même. En effet, la grève de 2018 était précisément dirigée contre la décision des syndicats désignés de signer l’augmentation de productivité pour les conducteur·rices de train contre leur volonté et sans même les consulter.


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Tout cela présente d’évidents problèmes lorsqu’il s’agit de l’organisation du lieu de travail. Premièrement, comme il n’ y aucun moyen légal d’entrer en grève, toute action de ce type sera immédiatement jugée illégale. Ce n’est pas nécessairement un problème insurmontable : les grèves de 2016 et 2018 étaient toutes deux illégales, ce qui ne les a pas empêchées pour autant. Le problème réside dans le fonctionnement de la sanction : tu peux te permettre deux grèves illégales et à la troisième tu es automatiquement viré·e. Et beaucoup des personnes les plus pugnaces ont déjà fait usage de leurs deux fois durant les grèves de 2016 et 2018, et ne sont donc pas vraiment disposées à prendre part à une action qui les mènera directement au licenciement.

Deuxièmement, étant donné l’impossibilité de faire grève, différentes personnes ont différentes opinions sur ce qu’il faut faire. Il y a principalement deux camps. Le premier prône la réforme des syndicats désignés car ils sont les seuls à siéger au CPN. Le deuxième déclare que ce n’est pas parce que la grève n’est pas envisageable qu’on ne peut pas enchaîner les procès à l’encontre de la direction des chemins de fer, et considère que les travailleur·euses doivent rester dans les syndicats indépendants.
Les deux opinions souffrent d’évidentes lacunes dans une perspective anarcho-syndicaliste, le second étant le seul qui ait réellement obtenu des résultats.

La méthode proposée durant notre entretien, de personnes extérieures qui bloqueraient l’accès au lieu de travail, a été jugée irréalisable. Premièrement car il y a de nombreux dépôts à travers tout le pays et une telle action nécessiterait donc une coordination à grande échelle. Ainsi ça ne serait pas seulement difficile à organiser mais il serait en plus compliqué d'éviter que les forces de l’ordre n'en prennent connaissance et qu’elles ne soient donc pas les premières sur les lieux. Ce n'est pas juste une simple porte dans une usine spécifique.
Deuxièmement car les horaires des travailleureu·ses sont définis individuellement et non en périodes communes. Ainsi la première personne va commencer à 2h20, la deuxième à 2h45, la suivante à 3h30 et ainsi de suite. A n'importe quel moment un groupe de blocage parviendrait, au mieux, à empêcher une unique personne d’entrer, mais le temps qu’un·e autre travailleur·euse commence sa journée, la police sera déjà arrivée. A la différence des conducteur·rices, les aiguilleur·euses travaillent bien sur des périodes communes mais le blocage des postes d’aiguillage est violemment démantelé par la police dans l’heure sans aucun résultat, cela a été essayé durant la période 2016 – 2018.

Cela dit, beaucoup de travailleur·euses sont favorables aux discours anarcho-syndicalistes concernant l’action directe mais je pense qu’un évènement de plus grande ampleur doit se produire pour qu’un nombre suffisant d’entre elleux ait la volonté de franchir une fois encore la barrière de l’illégalité. Comme je l’ai mentionné plus tôt, les plus pugnaces ont déjà fait usage de leurs deux grèves en 2016 et 2018 et les plus récent·es qui n’étaient pas encore là en 2018 sont généralement facilement effrayé·es.
Beaucoup d’entre elleux ont même très peur d’une sanction alors que cela n’a pas vraiment de conséquence en soi, ce n’est que la troisième qui provoque le licenciement.

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