Secrétariat international de la CNT

Projet de loi sur le droit de grève : vers un musellement et une répression légalisée des grévistes

Publié le jeudi 21 novembre 2019

Un projet de loi venant réglementer le droit de grève est en cours de discussion au parlement au Maroc. Par ce dernier, l’Etat et le patronat ne cherchent bien sûr pas à assurer la protection des salariés mais plutôt à museler ce droit et entraver sa pratique en limitant son efficacité en cas de recours. La grève est un moyen essentiel de lutte pour défendre les intérêts et les droits des travailleur(e)s qui sont attaqués avec une grande agressivité.
Depuis 2011, le gouvernement a présenté plusieurs projets de loi sur la grève qui n'ont pas été mis en oeuvre en raison de la résistance des syndicats et des défenseurs de la cause de la classe ouvrière. Nous sommes confrontés aujourd’hui à un projet dont le contenu a dépassé toutes les attentes du patronat incarnées dans son propre projet soumis au parlement début 2016.
La définition étroite et amputée de la grève introduite par ce projet de loi, conduit à l'exclusion de nombreuses formes d’action et dans de nombreux secteurs d’activités (mineurs, marins, marchands, artisans, ouvriers agricoles, étudiants…) et de la protection juridique en cas de grève en dépit de ce qui est indiqué dans la constitution concernant le droit de grève et la liberté syndicale.
Ainsi, l'article 48 de ce projet autorise « les autorités publiques compétentes à prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir l'ordre public et protéger les personnes et les biens au cours de la grève ».
Ce projet de loi réactionnaire prévoit également :
1. de renforcer la législation actuelle contre le droit de grève. L’article 288 du Code pénal et l’article 5 du 5 février 1958, interdisent déjà le droit de grève aux fonctionnaires.
2. d’empêcher de nombreux salariés d'exercer leur droit de grève pour des raisons de sécurité parce qu'ils sont considérés comme actifs dans des secteurs vitaux ou pour la nécessité de maintenir un service minimal.
3. d’interdire de nombreux types et formes de grève : grèves illimitées, grèves alternées, grèves hors du champ de la défense de l'intérêt économique et social direct y compris les manifestations de solidarité ou des grèves politiques.
4. de compliquer le recours à la grève en imposant la négociation, la médiation et la conciliation avant de déclarer et de préparer les actions.
5. d’allonger la période de préavis de grève, qui est actuellement de 48 h dans le secteur privé, à 5 ou 15 jours.
6. de légaliser les retenues sur salaires des grévistes, considérant que la durée de la grève est une suspension temporaire du travail sans considérer que certaines grèves tirent leur légitimité de la défense des exigences du droit du travail que l'état est censé assurer.
7. de maintenir la notion d'entrave à la liberté de travail et de confirmer son préjudice (l’article 288 du code pénal prévoit un « emprisonnement d’un mois à deux ans et d'une amende de 200 à 5.000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement », quiconque, porte atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail) en condamnant l'organisation syndicale et les auteurs accusés d'entrave.
8. d'utiliser des salariés extérieurs à l'entreprise pour contrecarrer la grève sous prétexte de fournir un service minimum.
9. d’interdire et de sanctionner les salariés en sit-in sous prétexte d'occupation d’un lieu de travail.
10. de donner les pleins pouvoirs au premier ministre pour interdire ou suspendre une grève pour une période déterminée.

En ce qui concerne les sanctions, bien que ce projet tente de montrer un certain équilibre dans le traitement des procédures, la vérité est qu'il y a une grande clémence envers le patronat face à des mesures sévères contre les organisations syndicales et les salariés grévistes. Un dangereux arsenal de sanctions est mis en oeuvre contre les grévistes :
- Priver les grévistes de leur salaire même si la grève doit faire pression pour la mise en oeuvre des dispositions du droit du travail
- Amendes infligées aux grévistes jusqu'à 50 000 dirhams (environ 5000 €)
- Amendes supplémentaires imposées à leur organisation syndicale
- Décisions judiciaires d'indemniser les patrons pour les pertes résultant de la grève
- Licenciement des grévistes
- Utilisation de la violence par les pouvoirs publics pour briser une grève ou un sit-in
- Arrestation et peine d'emprisonnement en vertu de la Loi sur la grève
- Arrestation et peine d'emprisonnement en vertu de l’article 288 du code pénal pour entrave à la liberté du travail.

L’adoption de ce projet sera un revers pour la classe ouvrière, le mouvement syndical et l’ensemble des forces progressistes. Il est donc nécessaire d’y faire face et de le combattre par des luttes unitaires.

A. Syndicaliste marocain
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