Secrétariat international de la CNT

Paris : Intervention CNT au Meeting de solidarité au Hirak algérien

9 novembre 2019- Bourse du Travail de Paris

Publié le dimanche 10 novembre 2019

" Bonjour à toutes et à tous

La confédération nationale du travail remercie les organisateurs de ce meeting pour cette invitation, et nous saluons cette initiative unitaire.

Nous exprimons toute notre solidarité au processus révolutionnaire en Algérie qui a su tenir après plus de huit mois de mobilisation, et face aussi à un véritable coup d’État militaire.
Pas un seul vendredi depuis le 22 février ne s'est pas traduit par une déferlante marée humaine dans les rues des différentes villes du pays. C'est un moment historique pour l'Algérie. Avec une ténacité des algériens de tout âge, une créativité débordante, de la joie, de l'humour, de la solidarité extraordinaire, pour résister face au mépris total de ces mafieux qui tiennent encore les rennes de l'économie, des corps de répression, et de la justice.
Un État dictatorial dont la France a toujours été complice.

Les algériens, au coup par coup, ont déjà dégommé deux tentatives d'élections présidentielles.

Nous saluons les étudiants des différentes universités à travers le pays, très mobilisés depuis le début, qui ont maintenu leurs marches tous les mardis même en pleines vacances estivales, et ramadan alors que le mouvement vivait une baisse de mobilisation. A chaque moment cette jeunesse a su se démarquer et faire face aux tentatives de récupération, de sabotage de leur mouvement, et de répression. Et ont tenu une position politique combative dans l'orientation de ce mouvement. Nous soutenons les comités autonomes étudiants et de personnels qui ont pu se mettre en place. Et un bravo pour ce dernier mardi à Alger, où ils sont encore sortis massivement, avec de belles tentatives d'atteindre l'APN en pleine discussion sur la nouvelle loi sur les hydrocarbures !

Nous saluons les lycéens qui dernièrement dans certaines villes sont mobilisés et mettent leur lycée à l'arrêt.

Bien sûr en tant qu'anarcho syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires, nous considérons que la mobilisation des travailleurs aujourd'hui en Algérie reste essentielle pour passer à une étape supérieure du mouvement.

Nous saluons tous les appels à la grève depuis février. Le premier appel national est parti de syndicats autonomes à travers la nouvelle confédération des syndicats algériens (CSA), qui regroupe des syndicats autonomes du public, ainsi que certaines sections de base combative de l'UGTA.

Nous saluons les dernières grèves appelées à l'initiative des différents courants des syndicats autonomes depuis septembre, et la grève nationale dernièrement du 28 octobre.

Face à la réalité du syndicalisme en Algérie, où dans le privé il y a un monopole du syndicat UGTA dont la direction est à la botte du pouvoir depuis des décennies, nous saluons les mobilisations depuis avril dernier des sections de base de l'UGTA contre la bureaucratie syndicale interne, et des positions combatives que certaines continuent d'avoir.

Aujourd'hui, alors que l'Algérie vit un soulèvement historique, ce pouvoir militaire se permet de faire passer en force, des lois et réformes libérales dangereuses, qui ne feront qu'accentuer une précarité qui ravage déjà l'ensemble du pays, et contre la quelle les algériens se mobilisent aussi.

  • - une loi des finances 2020 qui signera encore plus d'endettement du pays, une dévaluation, une augmentation certaine du coût de la vie ;
  • - de même concernant une révision du système de retraite faisant passer à 80% le taux sur salaire soumis à cotisation, ou encore celui d'attaque de l'assurance maladie.

Le secteur des hydrocarbures reste central dans l'économie algérienne : 95% des exportations et 60% de l'économie. Et le pouvoir vient d'adopter la semaine dernière une nouvelle loi sur les hydrocarbures qui participera aussi au bradage des richesses du pays ! Une loi d'ailleurs mise en place et négociée avec les compagnies pétrolières étrangères comme TOTAL, Exxo etc, qui se frottent les mains.

Nous soutenons les appels récents à la grève dans le secteur du gaz et des hydrocarbures, comme à la Sonatrach, à Sonelgaz, ou encore la grève au port pétrolier d'Arzew qui était totalement bloqué il y a quelques jours.
Mais cela reste encore difficile, ponctuel et ne prend pas largement.

Nous considérons que la mobilisation dans ce secteur reste incontournable pour faire passer le mouvement à une autre vitesse, comme nous le disent nos camarades.
Ainsi, nous soutenons l'ensemble des appels unitaires et anti-corporatistes pour des grèves interprofessionnelles, en vue d'une grève générale !

D'ores et déjà des appels à grève générale par les syndicats autonomes sont lancés dans le pays pour les deux premières semaines de décembre. Nous nous devons de les soutenir activement !
Comme nous espérons une grève générale ici en décembre contre les réformes libérales que nous prenons de plein fouet ! Nous avons les mêmes ennemis !

Dans un pays traversé par un chômage massif, le renversement de la balance ne se fera pas que par une mobilisation de travailleurs nous le savons bien sûr, mais avec l'ensemble de la population.
Nous saluons toutes les initiatives unitaires de création de comité locaux d'auto organisation, comme par exemple celles appelées par les forces de l'alternative démocratique dans différentes villes, bien que cela ait du mal à prendre en dehors d'un début à Béjaia.
Dans tous les cas nous faisons confiance aussi à la manière dont les algériens continueront leur mouvement révolutionnaire. Leur objectif est salutaire, pour que les volontés et revendications du mouvement émanent de la base et des algériens largement, pas réduit aux organisations en place, et contre toute négociation avec le pouvoir et ses complices.

Nous saluons avec force, le mouvement des femmes très dynamique, organisé et coordonné, et incontournable aujourd'hui dans le paysage du mouvement ! La mobilisation du carré féministe à été très importante ce 1er novembre dernier.

Une pensée émue, à Imane Chibane, militante féministe, décédée le 8 février dernier dans des conditions sombres.
Une pensée à Ramzi Yettou, ce jeune décédé suite aux violences par la police subies lors d'une manifestation.
On ne vous oublie pas !

Aujourd'hui le mouvement populaire en Algérie reprend du souffle, avec une extraordinaire mobilisation ce 1er novembre dernier, et fonce tout droit vers une nouvelle annulation frontale des prochaines élections présidentielles que le chef d'Etat major Gaid Saleh veut imposer le 12 décembre prochain.
Déjà deux annulations d'élections présidentielles ont eu lieu. Et la répression se renforce à chaque fois. Nous ne savons pas comment se passera l'après 12 décembre, nous ne serons pas étonnés d'un cran supérieur de répression, qui est déjà très importante.
Et il y a déjà des centaines de prisonniers du mouvement. Avec des accusations lourdes pour simple manifestation : d'atteinte à la sûreté de l'Etat.
La tentative de division et d'instrumentalisation de la question amazigh par le pouvoir via accusation d'atteinte à l'unité nationale, outre le ridicule, cela n'a fait qu'unir d'autant plus les algériens.
Mais les arrestations se poursuivent. Encore 16 manifestants ont été placés hier en mandat de dépôt pour port du drapeau amazigh, accusés d'atteinte à l'unité nationale.
Les prisons se remplissent. Avec des ciblages clairs. Nous pensons aux camarades du RAJ actuellement enfermés avec de lourdes accusations, comme de nombreux détenus.

Aujourd'hui le mouvement populaire est à un cap très important et crucial.

C'est le moment d'amplifier encore plus une mobilisation de solidarité internationale ! Nous nous retrouvons aujourd'hui nombreux : associations, syndicats, partis politiques. Nous considérons que c'est une réelle occasion de créer à l'issu de ce meeting, un collectif large unitaire et non corporatiste en solidarité ici en France au mouvement populaire en Algérie en vue d'organiser ensemble des actions concrètes de soutien.
Nous pensons par exemple que l'échéance du 12 décembre doit être une date importante pour la quelle nous devons exprimer fermement notre soutien au refus de cette mascarade électorale. Pour cela nous pourrions par exemple envisager le déplacement d'une délégation unitaire à Alger pour casser cette omerta actuelle, et marcher le vendredi 12 décembre aux côtés de nos camarades algériens qui seront dans la rue ! Et ce avec le maximum de représentants des organisations signataires de ce meeting d'aujourd'hui !
Nous nous leurrons pas sur les possibles blocages des autorités algériennes, mais allons-y !
Faisons-le en soutien !
Pour que ce système dégage !
Pour une Algérie libre et démocratique !
Pour la libération de tous les détenus d'opinion !

Et ceci est envisageable, rien est impossible, comme nous l'avions fait en Tunisie sous Ben Ali en janvier 2009 lors des procès en appel des prisonniers du mouvement du bassin minier de Gafsa.

Le mouvement populaire en Algérie a besoin d'un soutien fort et large. Faisons le maximum pour cela.

Nous pourrions également organiser ici diverses actions, notamment pour les prisonniers et leur libération, que ce soit une solidarité matérielle, médiatique ou symbolique, en lien avec la coordination sur place contre la répression.

Il y a de nombreuses possibilité lorsque nous avons une force collective, saisissons l'occasion de ce meeting d'aujourd'hui. La solidarité internationale restera toujours notre arme !

Et pour finir, comme le répétait toujours notre cher camarade Achour Idir, ancien secrétaire du syndicat algérien autonome le CLA, syndicaliste infatigable de terrain, anticapitaliste, et unitaire, qui nous a quitté en avril dernier, et qui manque énormément actuellement... comme il le répétait :

VIVE LA LUTTE CAR SEULE LA LUTTE PAYE ! "

Le Secrétariat International de la CNT
Paris, le 9 Novembre 2019
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