Publié le mardi 11 novembre 2008
La crise économique qui a débuté aux États-Unis et qui affecte aujourd'hui
la majeure partie du monde "mondialisé" est en train de saper les bases
économiques de l'ordre mondial existant. Née dans les entrailles du
monstre capitaliste, cette crise s'étend rapidement, progressant à travers
les tentacules que l'impérialisme a lui-même étendues de longues années
durant sur la quasi-totalité du globe pour pomper ses richesses. Elles
propagent ainsi cette crise économique mondiale comme une maladie
contagieuse et acheminent son message de misère et de mort dans le moindre
recoin de la planète où le système capitaliste et le modèle néolibéral ont
été acceptés comme doctrine.
Face à une telle situation, le gouvernement de l'ancien empire yankee et,
avec lui, tous les gouvernements des pays satellites ou alliés d'Europe,
d'Asie ou d'Amérique latine se voient forcés d'adopter les mêmes mesures
de "nationalisation" des banques et entreprises et d'intervention visible
de l'État dans le libre-échange, des mesures que le modèle néolibéral et
ses porte-parole ont attaquées et rejetées des années durant en tant que
symboles de protectionnisme et d'archaïsme.
L'intervention multimilliardaire qu'effectuent les gouvernements en
question constituent l'injure la plus cynique qui puisse être faite aux
millions d'êtres humains dans le monde entier qui n'ont pas les ressources
minimales pour pouvoir survivre tandis que les grands groupes économiques
de la planète reçoivent des milliards de dollars des gouvernements de
leurs pays.
Cependant, au-delà de l'intervention multimilliardaire de ces
gouvernements dans la sphère des finances pour aider les entreprises en
faillite, les conséquences palpables, terrestres que cette crise
économique a déjà et aura, dans un avenir proche et de manière toujours
plus aiguë, sur la vie de millions de pauvres dans les différents pays du
monde où elle frappera de plein fouet ne font que commencer à apparaître.
Les pays dont les gouvernements et groupes économiques ont cru trouver
dans l'intégration totale à l'économie américaine la formule pour obtenir
une croissance macroéconomique, même si cela doit entraîner la perte de
leur souveraineté, la destruction des droits des travailleurs, la
spoliation de la richesse des peuples indiens, la destruction de la
capacité productive des campagnes, la migration massive, l'abandon d'un
projet pédagogique et de recherche d'intérêt pour la nation comme pour les
peuples autochtones et le démantèlement de l'industrie nationale, sans
oublier l'incontournable dose de violence d'État nécessaire pour faire que
tout soit accepté sans broncher par les populations, ce sont les pays qui
ressentiront les plus les conséquences de cette crise. Et l'un de ces pays
est le Mexique.
L'économie de notre pays n'est pas l'une quelconque parmi la série
d'économies satellites qui devront "se préparer pour le pire" devant une
telle crise, pour reprendre les paroles du président de la Banque
mondiale, non, notre pays est celui qui en ressentira les plus grandes
conséquences néfastes. La privatisation presque totale d'un système
bancaire "national" qui est à ce jour quasi exclusivement aux mains de
grandes banques étrangères, la dépendance manifeste des exportations
mexicaines de toute sorte de la bonne santé ou de la maladie de l'économie
ricaine, ainsi que la dépendance structurelle de l'industrie pétrolière
mexicaine de la demande de l'industrie yankee constituent quelques-unes
des raisons évidentes qui démontrent aisément que la crise économique de
feu l'empire US aura des conséquences catastrophiques sur
l'économie de notre pays, surtout et comme toujours sur la vie des plus
pauvres.
Reste que la conséquence la plus néfaste de cette crise sur les
populations les plus pauvres de notre pays est sans doute liée à la
migration des Mexicains vers les États-Unis. Des années durant, la
migration a constitué la soupape de sécurité par excellence face au
désastre économique d'ampleur nationale qu'a provoqué dans notre pays
l'implantation forcée et violente du modèle néolibéral, au point que dans
les dernières années de modèle néolibéral que nous avons vécues on a
atteint le chiffre record de plus de cinq cent mille Mexicaines et
Mexicains par an franchissant illégalement la frontière vers les
États-Unis, ce qui signifie simultanément une augmentation du nombre de
personnes mortes ou assassinées à la frontière pour avoir tenté
d'atteindre le "rêve américain".
Aujourd'hui, devant la crise économique qui les frappe, les États-Unis
durcissent au maximum leurs lois en matière d'immigration pour endiguer le
flux croissant de main-d'oeuvre en provenance non seulement du Mexique mais
aussi de l'ensemble de l'Amérique latine. Ratonnades anti-immigrés sur les
lieux de travail, dans les rues et au domicile de travailleurs en
situation irrégulière font désormais partie de la routine dans différentes
villes des États-Unis et viennent compléter le durcissement de la lutte
contre l'immigration du gouvernement yankee dans le cadre de cette grande
crise économique pour protéger l'emploi de ses citoyens légaux. Ce qui
provoque le retour insolite de centaines de milliers de Mexicains dans
leur pays, du fait de ne plus trouver de travail dans ce qui était
jusque-là le pays de toutes les opportunités.
Avec de telles mesures, la soupape de sécurité au mécontentement social
qu'entraînent au Mexique la pauvreté et le manque de travail se bouche
toujours plus. Le risque d'une explosion qui libère brutalement la vapeur
contenue par cette chaudière portée au rouge dont les gaz sont bourrés de
misère et de famine mais aussi de griefs présents et passés, de violence
de l'État et de manque de liberté, semble donc imminent.
Face à une telle situation, le mauvais gouvernement mexicain effectue des
préparatifs et dresse des plans, préparatifs et plans destinés non pas à
diminuer les effets de misère et de faim de cette crise mais à affronter
l'insatisfaction sociale qu'elle provoque.
L'État mexicain effectue ses préparatifs pour entamer une guerre
préventive lancée contre le peuple du Mexique, comme le montrent les
événements sanglants du 15 septembre survenus à Morelia, l'attaque
terroriste avec des grenades qui y a eu lieu et a entraîné la mort de sept
êtres humains ayant servi au gouvernement de Calderón à imposer un
consensus social fondé sur la peur afin de justifier une fois pour toutes
la militarisation rampante qu'il étend sur l'ensemble de notre pays.
Militarisation qui ne fait d'ailleurs que se renforcer partout où
l'insatisfaction sociale est à son comble.
La brutale répression déclenchée par les mauvais gouvernants à l'échelon
fédéral et du Morelos contre le mouvement enseignant et populaire de
l'État de Morelos constitue probablement la première application et le
premier essai de cette guerre qui s'annonce, car ladite répression est
exécutée non seulement par la Police fédérale préventive, mais aussi par
l'armée fédérale. La répression qui frappe aujourd'hui les enseignants et
la population du Morelos est la première démonstration de l'efficacité du
déploiement militaire qui recouvre notre pays, la troupe étant prête à
être lancée contre tous les mouvements sociaux qui surgissent actuellement
et contre tous ceux qui surgiront certainement bientôt.
Au moment précis où, dans cet État, le mouvement de l'APPO est en phase de
réorganisation et où la Section 22 du syndicat enseignant s'est vue
renforcée par la récente nomination d'une direction démocratique et
indépendante aussi bien du gouvernement que des corrompus du SNTE (le
Syndicat national des travailleurs de l'enseignement) et des néocorrompus
des courants et groupes politiques au sein de la Section 22, l'Oaxaca
vient d'être choisi de manière invraisemblable par le mauvais gouvernement
fédéral et par le mauvais gouvernement local pour constituer l'étape
suivante des prétendues "narcomantas" (littéralement : "narcobanderoles")
qui établissent un lien entre cet État et les événements du 15 septembre à
Morelia, ce qui fait que l'on doit s'attendre à un accroissement à un
niveau encore plus élevé de la militarisation avec laquelle ces mauvais
gouvernements assiègent l'Oaxaca depuis 2006.
Cependant, tandis que les préparatifs de guerre du mauvais gouvernement
avancent, de même la conscience de nos peuples, la certitude que la
réalité que nous vivons ne peut guère durer beaucoup plus, est très forte
chez tous les gens qui subissent l'oppression et souffrent de la misère
dans ce pays, et, dans l'Oaxaca, le mouvement de l'APPO continue malgré la
répression et la violence du gouvernement. Mais il est aussi devenu une
référence de la lutte pour les peuples du Mexique qui se soulèvent
aujourd'hui pour combattre le système capitaliste, système qui, avec
l'actuelle crise économique mondiale, commence à montrer tous les signes
de son écroulement final.
La crise économique mondiale actuelle est la crise de l'ensemble du
système capitaliste, mais aussi bien celle de l'ensemble de l'ordre
mondial existant. Les chaînes qui tiennent en esclavage les peuples du
monde se ramollissent, tant à cause de cette crise économique qu'à cause
de la perte de légitimité du système capitaliste et des préceptes de
gouvernement et d'État qui l'accompagnent, aussi la nécessité et
l'occasion de renforcer les luttes chez les peuples de l'Oaxaca et du
Mexique se font-ils sentir plus que jamais, car elles s'accompagneront
cette fois de la nouvelle insurrection qui se vit et que l'on respire au
sein des différentes peuples du monde avec l'écroulement du système
économique qui les maintient dans l'oppression.
À l'opposé des ambitions de pouvoir de quelques-uns, y compris quand ce
pouvoir se déguise en pouvoir populaire et démocratique, le mouvement
horizontal et assembléiste de l'APPO n'admet aucune sorte d'avant-garde
mais reconnaît l'ensemble des peuples de l'Oaxaca, des peuples indiens,
des travailleurs, des paysans, des femmes, des jeunes, des nombreuses
minorités réelles dont se compose notre société, l'ensemble de tous ceux
et de toutes celles qui luttent, en bas et à gauche, et rêvent d'un monde
meilleur, un monde où aient leur place tous les mondes. On voit toujours
plus se vérifier l'opinion de ceux qui affirmaient en 2006 que si une
solution n'était pas très bientôt trouvée, l'ensemble du Mexique sera
comme l'Oaxaca et cette fois la roue de l'histoire tournera et ne
s'arrêtera pas avant d'avoir obtenu la justice, la liberté, la paix et la
dignité pour tous et pour toutes.
David Venegas "Alebrije"
membre de l'Assemblée populaire des peuples de l'Oaxaca (APPO)
et de Voix d'Oaxaca contruisant l'autonomie et la liberté (VOCAL).
Traduit par Ángel Caído.
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