Secrétariat international de la CNT

Mexique : APPO ?... APPO ?... Quelle APPO ?

Publié le mardi 29 septembre 2009

Le sang coule encore à Oaxaca. L'incident à San Pedro Jicayán, une
agression de membres du PRI contre des maîtres de la 22e section [du
Syndicat national des travailleurs de l'éducation, SNTE], a mis
l'indignation à fleur de peau, et on a vu à nouveau des manifestations et
des barricades pour défier l'impunité, la répression, la destruction
systématique de l'état de droit. Sur le papier, cette manche a été gagnée.

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Trahissant les siens, le gouvernement [de l'État] rendra 58 écoles à la
22e section, délivrera des mandats d'arrêt contre les agresseurs et
décrètera la disparition des pouvoirs dans les municipalités concernées.
Tout cela est l'expression de la normalité nationale. Le jeu de dupes
continue, l'hypothèse qui résoudrait la soi-disant énigme de la permanence
d'Ulises Ruiz au pouvoir. Plusieurs gouverneurs et Felipe Calderón
lui-même doivent être en train de se dire : s'il a été possible de
soutenir l'imprésentable Ulises, en serrant les rangs autour de lui,
pourquoi pas moi ?

Rien de tout cela n'est une nouveauté. Mais l'Assemblée populaire des
peuples d'Oaxaca (appo), qu'est-ce qui se passe avec l'APPO ? Quelle APPO
est à nouveau descendue dans la rue ?

On discute encore pour savoir si ce qui s'est passé en 2006 a été une
simple révolte populaire, à présent éteinte, ou un mouvement de mouvements
qui pourrait se réactiver n'importe quand.

Ça a été les deux. En 2006, le mécontentement a éclaté en une éruption
spectaculaire. La répression a éteint l'éruption, mais le magma volcanique
continue à bouillir dans les entrailles de la société, et il reste les
traces de la lave qui a débordé lors de l'éclatement et s'est largement
étendue.

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La révolte a été l'expression de divers mouvements sociaux (ceux qui
émergent du tissu social oaxaquègne et les manifestations locales de
mouvements nationaux et internationaux). Ces mouvements s'articulent et se
désarticulent continuellement, pour une grande variété de raisons et de
circonstances. Celle de 2006 aura été une de leurs articulations les plus
étendues et spectaculaires.

Caractériser l'APPO n'est pas une affaire théorique, mais pratique. Depuis
qu'elle est née, elle est traversée par un conflit entre deux courants
politiques et idéologiques qui s'expriment vigoureusement en son sein.
Tous deux essaient de donner à l'APPO la configuration et l'orientation
qui à leur avis sont appropriées. Et ainsi sont interminablement disputés
ou adoptés des accords instables.

Pour cette raison et d'autres, l'APPO n'est pas parvenue à exister. Elle
n'est ni une organisation, ni un mouvement. Il n'est pas vrai que « c'est
nous tous » : on n'y trouve pas tous ceux qui devraient en être, alors
qu'y figurent des participants à l'existence réelle problématique. On ne
peut pas non plus la réduire à ses mécanismes d'articulation.

Le courant orienté de façon traditionnelle vers la « prise du pouvoir » en
a affronté à chaque pas un autre, extrêmement hétérogène. Issu de
l'expérience des peuples indiens, et non d'un groupe d'illuminés, d'une
idéologie, d'un dirigeant ou d'un parti, il était unifié par la méfiance
vis-à-vis des schémas de sommet de l'action politique et des structures
organisationnelles verticales et centralisées, ainsi que par un grand
désenchantement envers les élections, la démocratie formelle et les
institutions existantes.

Il essayait de projeter vers l'ensemble de la société la forme d'existence
sociale et d'organisation politique des communautés indigènes. Il s'est
articulé autour de l'assemblée, la figure qui a donné son nom à l'APPO,
mais il ne la voyait pas seulement comme un mécanisme de prise de
décisions ou un exercice rituel, mais aussi comme la composante centrale
de la lutte elle-même et du régime politique qui en surgirait : c'était un
dispositif qui évitait la séparation des moyens et de la fin, et qui
maintenait l'exercice de l'autonomie dans tout le processus. Cela
manifestait une exigence d'innovation qui n'a pu être satisfaite, mais qui
a donné lieu à une constante expérimentation, en particulier en ce qui
concerne la tension et la contradiction entre présence et représentation.

L'APPO a été jusqu'à présent une possibilité, une tentative. Elle n'a pas
encore d'existence ni de réalité. Mais ce n'est pas un fantôme. À sa
manière, bousculée et dispersée, ce que nous continuons d'appeler APPO
exprime la vigueur et la vitalité d'une façon d'être et de penser qui
constitue une tendance politique profondément enracinée parmi les peuples
d'Oaxaca.

Par son origine, en tant qu'intention et espoir, l'APPO tend à être une
assemblée d'assemblées. Pour qu'elle le soit réellement, il faut d'abord
que les communautés indigènes, les quartiers métis et tous les groupes qui
forment le tissu social bigarré de l'Oaxaca d'aujourd'hui se constituent
en assemblées capables d'exprimer convenablement la volonté collective, et
que toutes ces assemblées se regroupent en une autre, qui les articule
toutes démocratiquement, conformément au principe du Congrès National
Indigène : être réseau quand nous sommes séparés et assemblée quand nous
sommes ensemble, et non suivant le principe de représentation. En chemin
pourra disparaître le sigle pléonastique, entre autres pour contribuer à
la réconciliation dans une société violemment polarisée.

Il faudra encore de grands efforts pour que toutes les volontés qui vont
dans cette direction se généralisent et que toutes confluent dans l'APPO,
c'est-à-dire qu'elles décident conjointement et simultanément de donner
réalité à ce rêve amplement partagé.

Gustavo Esteva

Tribune parue dans La Jornada du 9 septembre 2009.

Traduit par el Viejo.

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