Publié le mardi 30 septembre 2008
Durant l'été 2008, une délégation du SI de la CNT s'est rendue au Maroc à la rencontre des forces vives du mouvement social dans ce pays.
Azzedine est un militant connu de Sefrou dans la région de Fez, au centre du Maroc. Il faisait partie des 11 syndicalistes détenus pour « atteinte aux valeurs sacrées » libérés peu avant le 1er mai 2008. Il a accepté de répondre à nos questions.
Pourquoi as-tu été jeté en prison ?
J'ai été arrêté le 23 septembre 2007, suite à une série de rassemblements organisés par l'AMDH (Association marocaine des droits de l'homme) pour protester contre la hausse des prix des denrées alimentaires de base au Maroc, conséquence directe du capitalisme et de ses effets sur les politiques agricoles locales. La police politique est venue me cueillir au petit matin chez moi. Parce qu'à Sefrou, je suis le représentant de l'AMDH et que les autorités locales savent que je suis membre de la commission syndicale de la Voie démocratique, une organisation marxiste opposée depuis toujours à la monarchie et au pouvoir. Mon arrestation devait donc servir d'exemple et enrayer la mobilisation contre la cherté de la vie. De ce côté-là, ce fut un échec pour le régime car mon arrestation a radicalisé la population qui s'est ensuite exprimée de façon plus massive et surtout plus violente avec des émeutes. Le niveau de répression est lui aussi monté d'un cran. D'autres militants ont été arrêtés et jetés en prison.
Comment se sont déroulés vos premiers temps d'incarcération ?
On a été interrogé par la police politique. Ils voulaient tout savoir : les gens que l'on connaissait, notre réseau militant, etc. On nous insultait et nous frappait. De notre côté, durant les interrogatoires, on est toujours restés sur nos positions et sur la légitimité que nous avions à nous opposer à la politique du régime et aux conséquences dramatiques de la hausse des prix sur la population. On nous a entassés dans une cellule où il y avait déjà 50 personnes pour un espace de 15 m2. Il n'y avait pas de lit, pas d'eau et un trou en guise de toilette. Sans porte, bien évidemment. Nous dormions sur le sol. On nous interdisait toute promenade ou activité sportive. La nourriture était toute bonnement infecte. Le manque d'hygiène était tel que nous avons attrapé des maladies de peau. Nous avions droit à une douche par semaine. Dans un premier temps, les visites n'étaient autorisées qu'à nos femmes ou mères, et cela une demi-heure par semaine.
Nous avons donc entrepris de nous mettre en grève de la faim afin d'améliorer nos conditions de détention : nous revendiquions d'être traités et considérés comme des prisonniers politiques et non comme des prisonniers de droit commun. Ce que les autorités ont toujours refusé. Nous demandions surtout, face à l'arbitraire de notre détention, notre libération immédiate.
Comment s'est organisée la mobilisation pour demander votre libération ?
La mobilisation a été très importante, tant au plan local (Sefrou et dans tout le territoire marocain) qu'international. L'AMDH, qui compte 8 000 militants, a multiplié les rassemblements et les actions. En Europe, nous avons aussi eu du soutien. Je tiens d'ailleurs à remercier les organisations anarcho-syndicalistes : la CGT (Espagne) et la CNT (France) pour tout le travail qu'elles ont fait. Le 19 février 2008, nous étions libérés, sans qu'un tribunal nous ait jugés ou condamnés. Sortis de prison, nous avons poursuivi notre combat pour la libération de tous les syndicalistes emprisonnés et autres prisonniers d'opinion au Maroc. Le pouvoir sait qu'il ne peut pas acheter notre silence. Quant à moi, je suis prêt à retourner en prison, mais ma lutte pour la dignité et la justice continue plus que jamais. Les chefs d'État, les puissants s'organisent et sont unis contre les peuples. À nous, les exploités, de nous coordonner afin d'atteindre notre but. L'unité des peuples est indispensable.
Propos recueillis par Jérémie • SI CNT
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