Publié le dimanche 21 février 2010
La déclaration de l’assemblée des travailleurs africains de Rosarno (Italie) réfugiés à Rome après leur révolte en janvier 2010.
En ce jour, le 31 janvier 2010, nous nous sommes réunis pour constituer l'Assemblée des Travailleurs africains de Rosarno à Rome.
Nous sommes les travailleurs qui ont été obligé de quitter Rosarno après avoir revendiqué leurs droits. Nous travaillions dans des conditions inhumaines. On vivait dans des usines abandonnées sans eau ni électricité. Notre travail était mal payé. Le matin à 6 heures on quittait les lieux où on dormait pour n'y rentrer que le soir à 20 heures – ceci pour 25 euros que ne finissaient pas tous dans nos poches. Des fois, on ne réussissait même pas à nous faire payer après une journée de dur labeur.
On rentrait les mains vides, le corps plié par la fatigue. Nous étions depuis plusieurs années l'objet des discriminations ,d'exploitation et d'harcèlements de tous genres. Nous étions exploités le jour et chassés la nuit par les enfants de nos exploiteurs. Nous étions bastonnés, harcelés, braqués comme des bêtes… et enlevés, un d'entre nous a disparu à jamais. On nous a tiré dessus, par jeu ou pour l'intérêt de quelqu'un – nous avons continué à travailler.
Avec le temps, nous sommes devenus des cibles faciles. On ne pouvait plus. Ceux qui n'étaient pas blessés par des coups de feu, ils étaient blessés dans leur dignité humaine, dans leur orgueil humain. On ne pouvait plus attendre une aide qui ne serait jamais arrivée parce que nous sommes invisibles, on n'existe pas pour les autorités de ce pays.
Nous nous sommes fait voir, nous sommes descendus dans la rue pour crier notre existence. Les gens ne voulaient pas nous voir. Comment quelqu'un qui n'existe pas peut-il manifester ? Les autorités et les forces d'ordre sont arrivées et ils nous ont déporté de la ville parce que nous n'y étions plus en sécurité. Les gens de Rosarno se sont mis à nous chasser, à nous lyncher cette fois-ci organisés en vraies et propres équipes de chasse à l'homme. Nous avons été enfermés dans des centres de détention pour immigrés. Beaucoup y sont encore, d'autres sont retournés en Afrique, d'autres éparpillés dans les différentes villes du sud. Nous, nous sommes à Rome. Aujourd'hui nous sommes sans travail, sans un lieu où dormir, sans nos bagages, nos salaries encore impayés entre les mains de nos exploiteurs. Nous disons que nous sommes les acteurs de la vie économique de ce pays dont les autorités ne veulent ni nous voir ni nous entendre. Les mandarines et les olives ne tombent pas du ciel, ils sont cueillis par les mains de l'homme.
Nous avions réussi à trouver un travail qu'on a perdu tout simplement parce qu'on a demandé d'être traité comme des êtres humains. Nous ne sommes pas venus en Italie pour faire les touristes. Notre travail et notre sueur servaient à l'Italie comme ils servaient à nos familles qui ont placé beaucoup d'espoir en nous.
Ce qu'on demande aux autorités de ce pays est de nous voir et d'entendre nos revendications : Nous demandons que le permis de séjour pour motif humanitaire concédé aux onze africains blessés à Rosarno soit concédé aussi à nous tous qui sont les victimes de l'exploitation et du statut irrégulier, virés du travail, abandonnés et oubliés dans la rue. Nous voulons que le gouvernement de ce pays prenne ses responsabilités et nous garantisse la possibilité de travailler dignement.
L'Assemblée des Travailleurs africains de Rosarno à Rome
Plus d'informations dans Le Monde du 02/02/10, dans L'Express du 13/02/10 et dans Jeune Afrique.
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