Publié le mercredi 16 février 2005
A l'heure où la notion de frontière s'atténue pour nombre de citoyens européens, malgré le fait que cette réalité soit un grand leurre, il est un pays dans lequel un Etat constitué de colons procèdent à l'édification d'une gigantesque muraille, une réalisation de grande ampleur, qui n'a rien à envier du point de vue technique à la Grande Muraille de Chine, et qui surpasse en tous points le Mur de Berlin, tombé il y a maintenant quatorze ans. Ce pays, c'est la Palestine, qui s'est déjà vu annexer 78 % de son territoire historique depuis 1948, et qui va encore perdre une partie de ce qui lui restait. Au total, à la fin des travaux et de la réorganisation interne, les Palestiniens ne conserveront plus qu'un quart environ de leur territoire historique. Ce projet insensé de construction d'un mur qui entourera la Cisjordanie, ou plutôt une partie de celle-ci, a germé il y a déjà plusieurs années. Ainsi, dès 1996 des terres ont commencé à être confisquées aux Palestiniens, en prévision de l'implantation de cet ouvrage. Pourtant, la loi autorisant le démarrage des travaux n'a été votée qu'en juin 2002. Les travaux commencèrent dès ce vote. La première portion de mur a été construite entre Salfit et Zububa, à l'Est de la Cisjordanie. La deuxième est en cours, avec des travaux qui ont lieu en ce moment entre Zububa et An Nassariya, au Nord-Ouest. Puis viendront trois autres tronçons, entre Qalqilya et Jérusalem, entre Bethlehem et Hébron, et enfin entre Rafat, juste au Nord de Jérusalem, et An Nassariya. Ainsi, la Cisjordanie sera totalement enfermée dans ce corset de béton, qui sera gardé par l'armée d'occupation, qui ouvrira les points de passage à son bon vouloir. L'édifice sera long de plus de 650 kilomètres et haut de 8 à 13,5 mètres. Et déjà d'autres murs sont en projet dans l'enceinte de cette grande muraille, à la fois pour la consolider, mais aussi pour protéger les colonies qui sont sur place. Des bornes servant de repères au futur tracé sont déjà plantées, indiquant que ce projet sera bel et bien réalisé. Il n'est donc aucunement question de retrait des colonies qui se trouvent en Cisjordanie, totalement illégalement. Elles seront au contraire agrandies ! Quant aux Palestiniens, ils verront leur territoire se morceler en d'innombrables bantoustans, autrement dit, de petites enclaves coupées les unes des autres, isolées et bétonnées. La circulation sera d'autant plus difficile pour eux, pour ne pas dire impossible.
Officiellement, ce mur a pour objectif de luter contre le terrorisme. Il serait un rempart de sécurité pour Israël et ses citoyens. Officiellement, car le gouvernement s'appuie sur les attentats-suicides perpétrés sur son sol pour justifier cette construction. Or, en 1996, il n'y avait pas d'attentats-suicides. Ce qui fait dire aux Palestiniens que le seul but de ce mur est de leur prendre encore plus de terres, et de leur rendre la vie impossible afin qu'ils s'en aillent, faisant place nette pour de futurs colons. Et je leur donne raison : le mur ne suit absolument pas la Ligne Verte, établie en 1967, et qui sert aujourd'hui de référence dans les négociations territoriales qui ont lieu épisodiquement. Le mur grignote des centaines d'hectares, subrepticement, et de manière éhontée à l'Est de la Cisjordanie puisqu'Israël entend s'annexer toute la vallée du Jourdain, avec ses terres fertiles et ses ressources naturelles en eau.
Cette situation est des plus dramatiques non seulement pour les villes qui vont se retrouver totalement asphyxiées, mais encore plus pour les agriculteurs, très nombreux en Palestine, qui se voient confisquer leurs terres, parfois dans leur totalité. Depuis juin 2002, le nombre de paysans sans terre ne cesse d'augmenter. En chiffres, la première phase de construction a déjà directement touché 500 000 personnes, avec 12 200 hectares de terres confisquées. Près de 103 000 arbres ont d'ores et déjà été arrachés. Et si la zone concernée ne représente que 18 % de la Cisjordanie, c'est de là que viennent 45 % des produits agricoles. C'est dire l'impact économique, et donc à moyen et long terme social, que ce mur va avoir.
Mais les Palestiniens ne s'avouent pas vaincus. Ils ont créé en septembre 2002 le Front contre le Mur, qui a désormais des antennes dans plusieurs villes et villages. Leur volonté première, et urgente, est de faire savoir au monde entier que ce mur est en train d'être construit. Leur travail commence à porter ses fruits, et cela leur donne un espoir infini tout en rompant l'isolement grandissant qu'ils subissent. Ce mur n'est rien d'autre que la concrétisation matérielle de l'occupation israélienne, mais aussi le vrai visage du sionisme : une doctrine impérialiste, et donc expansionniste, qui a pour projet de forcer les Palestiniens à fuir leur terre en les asphyxiant, méthode plus propre qu'un transfert massif et opéré par l'armée.
Contacts : www.pengon.org - www.stopthewall.org - Union of Agricultural Work Committees (UAWC) - PO Box 20338 - Jerusalem, Palestine - Main Office : Ramallah - Tel : 00 970-2-2980316
Groupe de travail - Palestine
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