Secrétariat international de la CNT

La Kanaky à l’heure du choix

Publié le samedi 11 août 2018

Trente ans après les accords de Matignon, le référendum a enfin une date

local/cache-vignettes/L300xH200/csjuilletaout2018_kanaky_icono-f80fe.jpg?1531836216Le 4 novembre prochain, le référendum d’autodétermination prévu dans les accords de Matignon (signés en mai 1988) puis repoussé par les accords de Nouméa (signés en 1998) aura enfin lieu. La question a été définie il y a peu, après d’intenses discussions entre le gouvernement, les indépendantistes et les non-indépendantistes : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ». Seulement deux réponses possibles : « Oui » et « Non ». Cela devrait être une bonne nouvelle.

Pour autant, ce référendum ne se déroulera pas dans les conditions souhaitées par une grande partie des indépendantistes.

Tout d’abord, la constitution des listes électorales a toujours été un point conflictuel. Dans un processus de décolonisation, les premier-e-s concerné-e-s sont les membres du peuple colonisé, en l’occurrence les Kanak. Ce sont à elles et eux de dire ce qu’ils/elles veulent pour le futur de leur pays, occupé depuis 1853 par la France. En 1983, dans la déclaration finale des rencontres de Nainville-les-Roches, les Kanak ont ouvert le droit à participer à cette décision aux « victimes de l’Histoire », c’est-à-dire aux descendants de bagnards, aux descendants de travailleuses et travailleurs venu-e-s des autres îles du Pacifique, d’Asie, d’Europe, elles et eux aussi exploité-e-s par la puissance coloniale… Mais cette reconnaissance de leur pleine appartenance à Kanaky ne peut être dissociée du « droit inné et actif des Kanak à l’indépendance ».

Pourtant, depuis la signature des différents accords, les listes électorales qui devaient être figées afin de garantir un scrutin légitime n’ont cessé d’être ouvertes à de nouvelles personnes arrivées plus récemment sur le territoire. Une logique de peuplement répondant à la doctrine de l’État français souhaitant mettre en minorité les Kanak afin de ne pas risquer la perte d’un territoire stratégiquement et économiquement essentiel.

Aujourd’hui, cette liste référendaire n’est pas sincère et favorise la victoire des non-indépendantistes.

Par ailleurs, la situation économique et sociale ne s’est pas améliorée depuis 30 ans. Les accords de Matignon, signés après 4 ans d’affrontements pudiquement appelés les « événements », devaient amorcer la décolonisation et procéder au rééquilibrage économique alors que les inégalités de richesse, d’accès à l’emploi, aux postes à responsabilité ou encore à des études supérieurs étaient criantes entre les différentes populations. Le bilan est très clairement un échec, en tous cas pour ceux qui souhaitaient construire l’émancipation du peuple kanak.

Demain, que signifierait une indépendance de la Nouvelle-Calédonie ? A qui appartiendrait le pouvoir si ce n’est à la bourgeoisie coloniale, détentrice des richesses ? Quel serait le rôle de la classe ouvrière, très majoritairement mélanésienne (kanak et autres) ? Quelle serait l’attention portée aux équilibres écologiques et sociaux dans une société où la coutume occupe une place considérable ? En clair, l’indépendance serait-elle kanak et socialiste ou néo-coloniale et capitaliste ?

Toutes ces interrogations sont essentielles pour comprendre l’enjeu des débats actuels sur le Caillou. Alors que la droite, après s’être organisée pour mettre en place les conditions d’une fraude généralisée, est unie derrière le « Non », le mouvement indépendantiste peine à trouver les conditions d’une unité d’action. Entre partisans d’une participation massive pour voter « Oui » et ceux questionnant la pertinence d’un boycott afin de dénoncer les conditions d’organisation et le bilan des Accords, les débats sont vifs et ne seront tranchés que quelques semaines avant l’échéance.

En 2016, lors de son congrès de Montreuil, la CNT a adopté une motion de soutien à la lutte du peuple kanak et réaffirmé ses liens avec l’Union Syndicale des Travailleurs Kanak et des Exploités (USTKE). C’est dans cette perspective que nous continuerons à participer à la nécessaire solidarité avec Kanaky afin de permettre à son peuple de se libérer de toutes les oppressions qu’il subit.

GT Océanie

Article publié dans Le Combat Syndicaliste n°437 (Été 2018)

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