Publié le samedi 29 août 2020
Le 30 août, le Groupe Amériques du Secrétariat International de la CNT s’associe à la Journée Internationale des Victimes forcées, et témoigne tout son soutien aux familles des victimes, ainsi qu’aux organisations qui luttent pour la vérité et la justice à travers le sous-continent latino-américain.
En effet, depuis les années des dictatures en Argentine, au Chili, en Uruguay, au Paraguay, au Pérou, au Brésil, en Bolivie et dans de nombreux autres pays, les familles des disparus continuent de réclamer la vérité sur le sort de leurs proches qui reste généralement opaque, malgré les efforts déployés grâce aux luttes pour la mémoire et la dignité. Nous rendons un hommage particulier aux Mères de la place de Mai en Argentine, qui par leur ténacité ont réussi à obtenir que des enquêtes soient ouvertes, d’abord en Argetine puis dans d’autres pays qui participaient au plan Condor.
Mais si la lutte pour la mémoire et la justice reste essentielle, les disparitions forcées continuent d’ensanglanter le continent sud-américain, dans un contexte qui n’est pourtant pas celui des dictatures des années 70 et 80.
Au Mexique, on a enregistré plus de 73000 disparitions forcées depuis la “guerre sale” qui inclut la période de dictature, mais 37000 depuis 2006. Des milliers de femmes disparaissent chaque années. D’autres civils sont régulièrement portés disparus, à l’image des 43 étudiants d’Ayotzinapa en 2014, et leurs familles n’osent pas porter plainte de peur d’être menacées ou de disparaître à leur tour. Si Felipe Calderón et sa “guerre contre les narco-trafiquants” ont considérablement accru ces disparitions et ces meurtres au cours des années 2006 à 2018, les violences et disparitions continuent au Mexique, notamment face aux populations indigènes qui cherchent à défendre leurs territoires contre les méga-projets du président socialiste.
En Colombie, les disparitions forcées continuent, sous couvert de lutte contre le terrorisme et le narco-trafic. Le “processus de paix” n’empêche pas les groupes paramilitaires de continuer à faire disparaître et torturer des civils. Depuis les années 1960, et malgré le processus de paix mis en œuvre depuis 2017, plus de 30000 personnes ont disparu en Colombie. Selon Amnesty International, plus de 80000 personnes ont disparu au cours de cet interminable “processus”, dont les familles ne savent pas ce qui leur est arrivé, malgré la commission mise en place pour faire le jour sur ces affaires. Entre janvier et août 2020, un total de 2713 personnes ont encore été portées disparues.
Au Pérou et au Honduras, des personnes ont été “disparues” pendant la quarantaine, sous prétexte qu’elles sortaient sans autorisation.
Au Brésil, les premières victimes des assassinats pour “terrorisme” et des disparitions forcées sont les défenseurs de la forêt amazonienne, généralement autochtones. Alors que dans les prisons brésiliennes, parmi les plus peuplées du monde, s’effectue dans le plus grand silence une politique génocidaire, sans que les familles des personnes inculpées ne soit au courant de rien pour cause de pandémie et d’isolement social, des milliers de personnes “disparaissent” sans enlèvement, laissant les familles dans la même détresse.
En Argentine, le “terrorisme” est le terme employé pour justifier des enlèvements, certes plus rares, mais tout aussi politiques. On ignore ce qui est arrivé, précisément, à Santiago Maldonado, militant anarchiste enlevé en 2017 pour avoir participé à des actions de blocage contre les propriétés de la multinationale Benetton en territoire mapuche. Son corps, retrouvé plus d’un mois plus tard, révèle la ténacité des méthodes héritées de la dictature. Dans un pays qui fait figure de modèle démocratique, on dénombre depuis 2015 des milliers de disparitions, essentiellement des jeunes. La pandémie et les arrestations sauvages qui ont eu lieu au cours de la quarantaine ont accentué ces disparitions.
Ce décompte macabre n’est pas exhaustif. Des femmes, des jeunes, des opposants et d’autres civils, juste parce qu’ils sont au mauvais endroit au mauvais moment, disparaissent sans laisser de traces. Pour maintenir une apparence de normalité dans des pays où la police et l’armée ont peu à peu acquis tous les droits, et qui grandissent à l’ombre du fascisme.
Les disparitions forcées maintiennent les populations civiles dans un état de terreur. Porter plainte à la police expose à être soi-même menacé, voire arrêté, et permet rarement d’obtenir l’ouverture d’une enquête. La communauté des victimes, et en particulier les femmes, sont précarisées par ces disparitions, pour des raisons matérielles et économiques évidentes, mais aussi par l’ostracisme dont elles souffrent, et pour les raisons psychologiques. Les séquelles sur les enfants, qu’ils soient victimes directes ou indirectes, sont particulièrement graves aussi.
Sous couvert de “lutte contre les narco-trafiquants” ou de “lutte contre le terrorisme”, des opposants aux politiques gouvernementales sont régulièrement enlevés, torturés et tués, et les disparitions forcées continuent dans des régimes qui se disent pourtant démocratiques.
Il ne peut y avoir de paix sociale sans condamnation absolue non seulement des disparitions forcées, qui sont la négation absolue des droits et de la dignité humaine, mais aussi des crimes dits “politiques”, et des emprisonnements, tortures, abus et mises à mort contre ces “prisonniers politiques” considérés comme terroristes par la violence constitutive de l’état. “Ni morts ni vivants”, les disparus de force ne disparaitront ni de nos mémoires, ni de nos luttes, ni de notre exigence de justice et de vérité.
Rien pour ce mois