Publié le jeudi 2 octobre 2008
Dans les années 80, les socialistes français, qui n'ont décidément honte de rien, présentaient le modèle japonais comme un exemple à suivre. Corporatisme, asservissement par le travail, émulation des troupes au nom du saint profit, indifférence à l'égard de ceux qui échouent, le constat était déjà accablant. Vingt ans plus tard, les masques tombent.
La précarité touche désormais 35 % de la population active et les suicides deviennent si nombreux qu'ils inquiètent même les autorités. Au cœur de l'empire capitaliste, pourtant, des précaires s'organisent et ripostent ! Première partie de l'entretien avec Gen, travailleur du bâtiment et militant du Freeter'Union Tokyo.
Peux-tu te présenter ?
Je m'appelle Gen Chijiwa. J'ai trente ans et suis membre du Freeter Union. J'ai toujours travaillé en intérim depuis le début de mes études. Je suis actuellement au chômage, mais je vais bientôt reprendre un emploi temporaire.
J'ai rejoint le Freeter Union par le biais du Haken Union, le syndicat des intérimaires. Je les ai contactés en mars dernier après avoir été blessé au dos alors que je travaillais pour Mcrew, une agence d'intérim dans la démolition. La compagnie se proclame « entreprise sociale », un nouveau business model destiné à aider les personnes sans emploi ou sans domicile.
Nous avons considéré que les pratiques de cette société étaient illégales et nous avons décidé de créer un « syndicat Mcrew ». Nous avons commencé à négocier avec la direction. C'était en octobre 2007, et nous négocions encore à ce jour… Le Freeter Union m'a invité à les rejoindre, et c'est ainsi que je me suis syndiqué.
Peux-tu nous présenter le Freeter Zenpan Rodo Kumiai (FZRK, Freeter Union) ?
Je connais le Freeter Union depuis 2006. Ils sont différents des autres syndicats. Après la répression policière de la manifestation du 1er Mai 2006, (le Mayday for Freedom and Survival), où des arrestations sans raison apparente ont eu lieu, il est devenu trop coûteux de mener des actions dans la rue.
Créer un syndicat et négocier avec les employeurs a été une stratégie pour continuer à s'organiser contre la précarité et le néolibéralisme. Et pour retourner dans la rue, bien entendu. Des syndicalistes plus expérimentés nous ont rejoints pour apporter aide et conseils. Le 1er Mai 2007, 400 personnes ont manifesté, sans arrestation, et cette année a rassemblé 1 000 personnes.
Le réseau Mayday s'est maintenant étendu à tout le pays, et en 2008, deux membres ont fait une tournée à travers les villes de l'Euromayday : Milan, Berlin et Aix-la-Chapelle. Outre les conseils juridiques et les luttes contre les employeurs qui sont au cœur de notre activité syndicale, nous proposons une lettre d'information toutes les deux semaines, un magazine envoyé par courriel, des ateliers, des débats, une hotline, le Mayday et le « Festival des résistances et de l'antimilitarisme ».
Nous essayons d'impliquer les gens de diverses manières. À l'intérieur du syndicat, les membres ne sont pas organisés autour de la politique ou de l'idéologie, mais plutôt autour des problèmes individuels immédiats concernant le travail et la survie. Pour nous, l'amélioration des conditions de travail n'est pas une fin en soi. Nous cherchons à casser certaines mentalités. Pour donner un exemple, les pressions économiques et sociales plaçant le travail et l'identité professionnelle au-dessus de tout doivent être combattues, et la revendication des syndicats traditionnels qui demandent la dignité pour les travailleurs sur leur lieu de travail n'est pas suffisante.
Nous avons l'ambition de devenir un mouvement social qui s'occupe également des problèmes extérieurs au monde du travail. Le FZRK ne reçoit aucune aide financière de la part d'autres syndicats ou de partis politiques. Il fonctionne grâce aux cotisations et à l'argent gagné lors des négociations collectives, mais aussi avec des donations individuelles.
Entièrement géré par des bénévoles, il reste indépendant des syndicats nationaux comme le Rengo ou le Zenroren. D'autres syndicats se trouvant dans le quartier de Shinjuku, comme le Tokyo Union et le Temporary Workers Union (Haken Union, TWU) nous aident de différentes façons, en travaillant ensemble lors des campagnes contre les agences d'intérim, par exemple, ou en partageant des locaux.
Interview réalisée par Nico • SI de la CNT
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