Publié le lundi 23 avril 2018
Au Tchad et en particulier dans la capitale N’Djamena, un mouvement de contestation sociale prend de l’ampleur. À l’appel des syndicats, une grève générale a débuté fin janvier dans les services publics (administrations, enseignement, magistrature, santé) et s’étend au secteur privé. La répression organisée par le régime dictatorial du président Idriss Déby est violente. Nous exprimons notre solidarité et notre soutien international au peuple tchadien. Nous dénonçons le silence complice de la France, soutien inconditionnel du dictateur Déby.
Idriss Déby est un chef de guerre arrivé au pouvoir par les armes en 1990. Avec l’appui des services de renseignement français, il a chassé de la présidence Hissène Habré dont il était précédemment un proche collaborateur. Avec des scores allant de 60 à 88 % des suffrages, il a remporté au premier tour les élections présidentielles de 1996, 2001, 2006, 2011 et 2016. Il a fait voter en 2004 une modification constitutionnelle levant la limitation à deux des mandats présidentiels. Comme les précédentes, l’élection présidentielle d’avril 2016 a été marquée par de nombreuses restrictions de la liberté d’expression, des recours à la force contre des manifestants pacifiques et des disparitions. En plaçant aux postes clés de son administration des membres de sa famille ou de son ethnie, Déby a instauré un régime autoritaire fondé sur la corruption, le clanisme et le népotisme.
Le silence de la communauté internationale en général et de la France en particulier concernant les violations récurrentes des droits humains au Tchad s’explique par l’intérêt stratégique que représente le territoire tchadien. La présence militaire française au Tchad est quasiment continue depuis l’indépendance du pays en 1960, des accords de coopération militaire étant signés en 1976. L’opération Barkhane, lancée en 2014 et toujours en cours, a vu se déployer 3 000 militaires français et 200 blindés au Sahel pour lutter contre les groupes salafistes djihadistes de la région. Son état-major et ses forces aériennes sont basées à N’Djamena, ce qui explique la bienveillance jamais démentie de l’État français à l’égard du régime tchadien. Depuis le Tchad, la France peut veiller à ses intérêts stratégiques et économiques dans la région, notamment l’exploitation de l’uranium par Areva au nord du Niger. Par ailleurs, Emmanuel Macron a annoncé la création d’une Alliance pour le Sahel, lancée sous impulsion franco-allemande le 13 juillet 2017. L’un des objectifs de cette alliance est de créer dans différents pays sahéliens dont le Tchad des « hotspots », ces centres destinés à traiter les demandes d’asile et ainsi trier les candidats à la migration au plus près de leurs régions d’origine.
Plusieurs syndicats et partis d’opposition ont appelé à une manifestation pacifique pour le jeudi 8 février et les suivants, les « jeudi de la colère ». Les revendications portent avant tout sur la baisse du niveau de vie suite à l’effondrement des cours du pétrole (baisse des salaires des fonctionnaires, suppression des bourses universitaires, augmentation des prix des carburants). La manifestation a été interdite en raison des risques liés aux activités terroristes du groupe salafiste djihadiste Boko Haram. Il s’agit évidemment d’un prétexte fallacieux destiné à museler toute forme de contestation. Dix partis politiques ayant soutenu cette initiative ont été suspendus pour deux mois, au mépris des droits fondamentaux pourtant garantis par la constitution tchadienne. Certains rapporteurs évoquent plus de 600 arrestations arbitraires et des tirs à balle lors des précédentes manifestations. Face au déploiement des forces de l’ordre, l’appel à manifestation du 8 février a été peu suivi. Vendredi 9 février, la porte-parole de l’Union européenne a appelé au « respect des libertés fondamentales » en faisant explicitement référence à la répression du mouvement de protestation en cours. Plusieurs dizaines d’étudiants auraient été arrêtés samedi 10 alors qu’ils manifestaient pacifiquement pour la reprise des cours.
Pour le libre exercice du droit syndical, pour le respect de la liberté d’expression, d’association et de manifestation ! Au nom de la solidarité internationale, nous exprimons notre soutien au peuple tchadien et à la grève générale !
Le groupe Afrique du SI
Article publié dans Le Combat Syndicaliste n°433 (Mars 2018)
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