Publié le samedi 4 mai 2019
Le soutien inconditionnel de l’État français à la dictature du président tchadien Idriss Déby ne fait de doute pour personne. Les services de renseignement français ont appuyé son arrivée au pouvoir par les armes en 1990. La France le soutient depuis malgré le caractère antidémocratique et corrompu du régime (Combat syndicaliste n° 432, mars 2018).
Un nouveau pas a été franchi en février 2019 avec une intervention de l’aviation française sur le territoire tchadien contre des opposants politiques. Nous dénonçons cette intervention réalisée hors de tout mandat international, à la demande d’Idriss Déby. Nous apportons notre soutien total à la population tchadienne qui demande que cessent ces pratiques coloniales.
Les 4, 5 et 6 février 2019, des Mirage 2000 français venus de N’Djamena ont frappé une colonne de véhicules dans l’Ennedi, au nord-est du Tchad. Ces véhicules faisaient route depuis le nord et avaient à leur bord des opposants politiques de l’Union des forces de la résistance (UFR), une coalition de mouvements rebelles fondée en 2009. Ils venaient du territoire libyen selon la version officielle, du territoire tchadien selon Youssouf Hamid, le porte-parole de l’UFR en Europe.
La ministre française des Armées Florence Parly a évoqué en séance de la Commission de la défense le 6 février 2019 une intervention « contre un groupe armé, venu de Libye dans une cinquantaine de pick-up, pour déstabiliser le pays ». Cette intervention a été menée avec des moyens militaires de l’opération Barkhane mais, précise-t-elle, elle « ne peut être assimilée à l’opération Barkhane ». Ce détail trahit l’illégitimité des frappes puisque l’opération Barkhane est censée viser les terroristes djihadistes sahéliens, pas les groupes d’opposition au régime.
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a de nouveau justifié l'intervention de l’armée française au Tchad le 12 février lors de la séance des questions d'actualité à l'Assemblée nationale : « Le président Déby nous a demandé par écrit une intervention pour éviter ce coup d’état venu du Sud libyen et pour protéger son propre pays. Ceci est tout à fait conforme au droit international et le Premier ministre en a informé le président du Sénat et de l’Assemblée nationale.»
Youssouf Hamid ne partage pas ce point de vue : « Le fait de dire que le gouvernement tchadien a fait une demande d’intervention ne suffit pas ! Sur quelles bases elle est intervenue ? Le Parlement c’est le peuple... Et nous, on veut que le peuple français sache ce qui se passe ailleurs, en dehors de la France, ce que les militaires français faisaient à l’extérieur du pays. Est-ce que c’est des forces de maintien de la paix, des forces qui aident ici et là, ou bien, des forces d’ingérence dans les problèmes internes d’un pays bombardé ? » . L’association Survie questionne également la légalité de ces frappes .
Une manifestation était organisée par les tchadien•ne•s de France le 7 mars 2019 devant l’Assemblée nationale à Paris pour protester contre cette intervention et pour réclamer le départ immédiat de l’armée française du sol tchadien. Sans prendre parti concernant les projets de l’UFR, nous exprimons notre solidarité envers la population tchadienne et condamnons l’usage de moyens militaires français, sous couvert de lutte contre le terrorisme, pour frapper une opposition politique et maintenir en place un régime dictatorial et corrompu, dans la pure tradition colonialiste de la Françafrique.
Article publié dans Le Combat Syndicaliste n°444 (Avril 2019)
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