Publié le mercredi 28 décembre 2011
20 décembre
Les affrontements continuent à la rue Kasr El Eini entre les occupants et les forces de l'ordre. Le nombre des morts a atteint 15, celui des blessés, 500.
Des partis politiques ainsi que des nouveaux députés tentent depuis hier d'intervenir entre les deux belligérants et de mettre fin aux violences, mais en vain. La brutalité de l'armée ne cesse d'attiser les tensions et renforce l'entêtement des occupants. Ajoutons à tout cela les propos provocateurs du général Kato, qui s'indigne que « l'on défende des petits voyous qu'il faut envoyer dans les chambres à gaz d'Hitler ». La conférence de presse organisée par un autre général fut une mascarade, du remake, mais avec moins de professionnalisme, des comédies de l'époque Moubarak : discours sur l'armée qui sacrifia sa vie pour la patrie, hommage aux révolutionnaires qui sont les citoyens les plus nobles de la patrie, dénonciation des éléments extérieurs, disculpation de l'armée qui n'a pas tiré une seule balle, et regret de la brutalité des soldats car il faut comprendre leur état psychologique. Un film monté de toute pièce montrait des témoignages accusant le mouvement du 6 avril d'avoir financé des voyous (baltaguis) pour commettre des actes de sabotage contre des bâtiments publics. Il importe de souligner que ce mouvement compte 55 blessés graves ou tombés au cours des affrontements qui ont éclaté le 16 décembre. Le mouvement du 6 avril est le plus efficace et le plus radical, ce qui explique les attaques systématiques qu'il subi de la part du CSFA.
En ce moment, 30 personnalités politiques et des parlementaires de toutes les tendances politiques ont déposé une plainte contre le SCFA et ses membres qui ont commandé les récentes tueries et offenses contre les femmes. Ils ont décidé une occupation ouverte du parvis du palais de justice jusqu'à ce que les coupables soient traduits en justice. Cette action constitue un précédent dans la tradition des contestations en Égypte, parmi les parlementaires on trouve Amr Hamzawi (libéral) El Beltagui (FM) Mostapha el Naggar (libéral) le conseiller d'État El Khodeiri, ainsi que l'activiste Georges Ishak et trois femmes. D'autres rassemblement ont eu lieu dans six villes de province en solidarité avec les Cairotes.
Le Caire
Un appel à manifester vendredi contre la brutalité du Askari vient d'être lancé.
17 décembre
Dans le contexte de la seconde phase des élections marquée par des irrégularités et des fraudes qui rappellent tristement l'époque Moubarak, l'armée a de nouveau commis une répression féroce contre le dernier bastion de la révolution.
Rappelons la chronologie des faits, depuis la chute de Moubarak le 11 février 2011, l'armée a commis des bavures et des massacres de façon systématique contre les révolutionnaires tous les mois : le 11 février, le 25 février, le 9 mars, le 8 avril, le 15 mai, le 28 juin, le 23 juillet, le 5 août, le 9 septembre, les 5 et 9 octobre, le 19 novembre et finalement les 14 et 16 décembre.
Les faits récents ont commencé dans la nuit du 14 décembre lorsqu'une femme inconnue a distribué des sandwichs de viande et du poisson avariés ou empoisonnés aux occupants des environs du conseil des ministres, quelques centaines de manifestants qui campaient autour du conseil des ministres depuis trois semaines empêchant le premier ministre et son gouvernement d'y accéder. En plus des revendications de la révolution jamais assouvies, les occupants réclamaient la traduction en justice des auteurs des massacres précédents ainsi que la libération des prisonniers qui furent traduits devant les tribunaux militaires et l'indemnisation des familles des martyrs et des soins adéquates pour les milliers des blessés. Complètement isolés de la population grâce à une campagne mensongère menée par le SCFA depuis des mois et dormant dans le froid, ils étaient cependant prêt à aller jusqu'au bout, et ce en dépit des tentatives de négociations menées par des personnalités politiques pour les convaincre de déguerpir en paix pour éviter un nouveau bain de sang.
Le soir du 14 décembre, ayant appris la nouvelle de l'intoxication de soixante occupants par des sandwichs empoisonnés, je me suis rendue auprès d'eux en les mettant en garde contre une évacuation par la force qui n'allait pas tarder, et en les suppliant de quitter les lieux. Ils sont malheureusement demeurés sourds à mes appels. Vers deux heures du matin le 16 décembre, les forces armées retranchées dans le bâtiment du conseil des ministres a déclenché la bataille en les arrosant de jets d'eau froide, lançant des pierres, des morceaux de verre et en leur balançant des meubles à partir du balcon du conseil. Les attaques se sont développées sur le terrain le vendredi 16 par l'incendie des tentes, des tirs de balles réelles ; des jets de cocktails molotov, l'enlèvement des jeunes filles et leur torture dans le bâtiment du parlement et de nombreuses atrocités rapportées par deux nouveaux jeunes fraîchement élus : Amr El Hamzawi et Ziad El Oleimi. Ce dernier a été férocement battu et a porté immédiatement plainte contre l'armée qui lui a dit « va te faire foutre avec ton parlement ».
L'armée a ensuite mis le feu partiellement dans le bâtiment du Conseil des ministres, celui tout proche de l'entreprise des ponts et chaussée et l'édifice classé de l'association de géographie, dont le plafond est un des joyaux de l'architecture du xxe siècle. À l'heure où je vous écris, la bataille continue sur la place Tahrir où les manifestants s'étaient retranchés suite à l'évacuation des alentours du CM.
Le scénario de l'empoisonnement, qui rappelle des méthodes d'un autre âge, était envisagé pendant la révolution, pour tuer les occupants de Tahrir le mercredi sanglant du 2 février, il était prévu de distribuer des jus empoisonnés aux manifestants, avant d'opter pour l'attaque par les chameaux et les chevaux.
Le bilan provisoire de la répression des 16 et 17, plus de cent blessés ; six morts parmi lesquels un enfant, un médecin, un ingénieur et un jeune cheikh de l'Azhar, qui organisait la collecte des ordures pendant l'occupation. Ce qui dément les assertions des militaires qu'il ne s'agit que de voyous. À signaler le refus du ministère de l'intérieur d'exécuter ce sale boulot.
La révolution égyptienne passe par un étape très difficile, mais ce n'est qu'une bataille perdue dans une longue guerre.
No Pasaran
Le 17 décembre
L'Institut d'Égypte, créé par les savants de l'Expédition d'Égypte vient d'être complètement détruit par un incendie criminel. L'Institut se trouve à proximité du conseil des ministres, le bâtiment n'a pas une grande valeur architecturale, mais contient des milliers de documents rares, plus rien ne subsiste.Ce nouveau crime d'une junte militaire ignorante, arrogante et criminelle a été attribué aux révolutionnaires qui tentaient d'éteindre le feu, mais deux d'entre eux furent tués froidement par balles selon les dire des témoins présents sur le lieux hier soir.
Aujourd'hui, une grande manifestation a eu lieu à l'Azhar suite à l'enterrement du jeune cheikh azhari tué par balles hier devant le conseil des ministres. Le cortège funèbre regroupant près de dix mille manifestants, hommes et femmes de toutes les classes sociales, a emprunté la voie express Salah Salem, avant de se diriger vers Tahrir, ses rangs grossissaient tout au long de son parcours de 5 km. Arrivé à Tahrir il fut rejoint par d'autres cortèges venant des universités de Ain Chams et du Caire.
À l'heure actuelle, des milliers de manifestants sont sur la place. L'armée l'avait évacuée ce matin et interdit, comme en Syrie à toutes les agences de presse, les télévisions et les reporters de filmer la scène. Des agents de l'armée sont montés dans les immeubles donnant sur la place, se sont introduits par la force dans certains appartements, et saisi tous les appareils photos et les téléphones portables de leurs possesseurs.
Rien pour ce mois