Publié le vendredi 15 janvier 2010
Fahem Boukadous a été condamné hier 13 janvier 2010 à quatre ans de prison
ferme en première instance par le Tribunal de Gafsa suite à sa couverture
journalistique en 2008 du mouvement social du bassin minier de Gafsa.
Il
avait été lourdement condamné en décembre 2008 puis de nouveau en appel en
février 2009 en même temps que des responsables syndicaux du mouvement de
Gafsa lors d'un double procès historique.
Fahem Boukadous, en fuite au
moment de cet épisode judiciaire, avait écopé alors de six ans de prison,
par contumace. La sentence d'hier est d'autant plus illogique qu'il s'est
présenté spontanément aux autorités le 24 novembre dernier et que ses
coaccusés syndicalistes passés ont bénéficié d'une libération conditionnelle
le 4 novembre 2009 par grâce présidentielle, une libération qui intervenait
suite à une vaste campagne nationale et internationale de soutien.
Journaliste pour la chaîne satellitaire El Hiwar Ettounsi, Fahem Boukadous
va donc rejoindre dans les geôles tunisiennes deux autres journalistes
actuellement emprisonnés pour des motifs politiques également, Taoufik Ben
Brik et Zouhaïer Makhlouf.
Le mouvement social pacifique de Gafsa avait défrayé l'histoire tunisienne
au 1er semestre 2008 par son ampleur, sa ténacité, sa dignité et la
solidarité massive qu'il avait suscité dans la population locale. Il s'était
heurté à une répression violente de la part de l'Etat ainsi qu'à une
tentative d'étouffement extrême sur toute information le concernant.
Encerclée par la police et les forces armées, la région minière, en
particulier la ville de Redeyef, était devenue inaccessible, particulièrement
aux journalistes, tandis que les communications étaient fortement entravées.
L'évènement avait donné lieu en Tunisie à une courageuse campagne nationale
de soutien à la population du bassin minier menée par des syndicalistes et
de nombreux autres représentants la société civile démocratique et
d'opposition tunisienne en dépit des harcèlements du pouvoir.
Une non moins
importante campagne de solidarité internationale de protestation s'était
également élevée contre la grave chape de répression qui s'était abattue sur
les protestataires du bassin minier, ses leaders syndicaux, sa jeunesse et
l'ensemble de la population locale de la part de l'Etat tunisien.
La
campagne insistait notamment sur la légitimité de la lutte sociale qu'ils
avaient menée et son caractère pacifique, ainsi que sur l'erreur grave que
constituait l'accusation de “constitution d'une association criminelle
susceptible de porter atteinte aux personnes et à leurs biens”, dont les
principaux leaders syndicaux du mouvement, et avec eux le journaliste Fahem
Boukadous, étaient honteusement affublés.
Le CRLDHT proteste avec la plus grande indignation contre cet entêtement du
régime tunisien dans l'affaire du bassin minier et cette nouvelle
condamnation, qui montre que l'affaire du bassin minier n'est pas close du
côté du régime tunisien et que la volonté d'intimidation des voix libres au
prix d'accusations fausses et de lourdes peines continue de sévir également
sans vergogne.
Le CRLDHT rappelle que le mouvement social auquel Fahem Boukadous était
associé en tant que journaliste ne fut d'aucune manière un mouvement
criminel, mais un mouvement social pacifique et collectif pour les droits et
la dignité.
Le CRLDHT rappelle en outre que la liberté de la presse et le droit à
l'information sont des valeurs essentielles de tout régime qui prétend au
titre de démocratie, ce dont se targue toujours le régime de Ben Ali suite à
sa dernière réélection truquée.
Enfin, le CRLDHT souhaite rappeler le cas de Mouhieddine Cherbib, président
de la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des Deux Rives à Paris,
qui a été également condamné par contumace et pour les mêmes motifs dans ce
double procès collectif de décembre 2008 avec appel en février 2009, ainsi
que, plus spécifiquement, pour diffusion vers l'étranger d'informations
concernant le mouvement de Gafsa. Son cas n'est toujours pas réglé. Le
CRLDHT demande la libération immédiate de Fahem Boukadous et espère à défaut
que la procédure d'appel qui doit être lancée aboutira à un jugement cette
fois équitable.
Paris, le 14 janvier 2010
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