Publié le dimanche 8 mars 2020
Cette année, la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes et des Minorisé•es de genre tombe un dimanche.
Et parce que c'est un dimanche, la grève féministe internationale du 8 mars pour dénoncer le patriarcat et sa violence ne sera ni vue, ni entendue aussi distinctement que les années précédentes.
En 2017, les féministes argentines ont appelé à l'action. Leur appel révolutionnaire à une grève mondiale a créé un précédent qui se poursuit aujourd'hui. Surtout, cela a montré à la société que lorsque les femmes cessent de travailler, le monde cesse de tourner. Depuis ce premier événement mondial, le 8 mars, les femmes peuvent être vues dans les rues des villes du monde entier, manifestant dans un vaste mouvement féministe contre le régime capitaliste et patriarcal.
Cette année-là, la décision a été prise non seulement d'arrêter les travaux ménagers et de boycotter les commerces, mais aussi d'arrêter le travail rémunéré, car le travail est le lieu où les inégalités économiques sont les plus visibles.
La date emblématique de cette année-ci tombe un dimanche, mais ce n’est pas une raison pour annuler la grève. Au contraire ! Au-delà de la réalité de tout le travail invisible et ingrat des femmes à la maison, nous sommes celles qui supportons le poids du travail à temps partiel le dimanche et des horaires flexibles, que ce soit dans la restauration, le nettoyage des bureaux et des hôtels, en tant que professionnelles de l'aide à domicile, de la santé, dans les soins aux personnages âgées, ou comme caissières et vendeuses.
À l'échelle mondiale, les femmes représentent 70% du personnel du secteur de la santé (1). Quatre fois plus de femmes que d'hommes travaillent à temps partiel (2), ce qui signifie qu'en moyenne nos salaires sont inférieurs de 16% au salaire moyen des hommes (3). Cette discrimination nous affecte également quand il s'agit de calculer nos pensions de retraite qui, par conséquent, sont considérablement inférieures à celles des hommes. Nous sommes les grandes perdantes de la réforme des retraites à points. Nous sommes celles qui perdons notre emploi lorsque nous annonçons une grossesse à nos patrons ou la naissance d'un bébé, sans parler des violences sexistes qui touchent majoritairement les femmes et les minorisé.es de genre, causant des risques socio-professionnels en augmentation constante. Pour une large majorité d'entre elles, les travailleuses du dimanche ne reçoivent aucune aide en ce qui concerne la prise en charge des enfants ou des adultes dont elles sont responsables. En résumé, nous sommes les plus exposées à des conditions de travail précaires et des discriminations.
Enfin, comble de l’indécence, les crimes sexuels sont récompensés aux César par les plus hautes sommités de la culture française !
Pour ces raisons, nous pensons que ce dimanche 8 mars devrait être l'occasion de lever le voile sur l'invisibilisation sociale et professionnelle que nous subissons. Il ne suffit pas que le monde s'en tire avec un jour sans que les femmes s'occupent du linge, du ménage et de la cuisine. "Fais une pause, ma petite chérie. Tu passeras la serpillière demain."
Non !
La grève est une révolte contre l'ordre social et économique. Elle nous permet, travailleuses, de reprendre le contrôle de nos vies et de nous faire entendre. Elle seule peut rendre visibles celles que le capitalisme exploite dans l'ombre de ses profits.
Nous refusons l'idée de limiter le 8 mars à l'intimité de nos maisons. Cela ne ferait que masquer la réalité de ce que nous vivons. C'est parce que nous ne nions pas l'importance du sexisme dans le contexte de la famille et du couple avec les inégalités qui en découlent, aussi bien dans le poids des tâches ménagères que des normes hétérosexuelles, que nous manifestons publiquement. Ces inégalités doivent être révélées dans la rue car les injustices sont maintenues par le système économique, idéologique et social dans son ensemble. Le système capitaliste, en détruisant l'environnement, nos moyens de subsistance et notre pouvoir d'action, nous enferme dans un cercle de soumission économique et technologique.
Une grève internationale le 8 mars(4) réaffirme notre lutte pour montrer que la place des femmes est partout où elles le souhaitent. Nous prendrons l'espace que nous voulons et nous nous battrons avec fureur, avec courage, avec toutes nos forces. Dans les foyers et dans la rue : nous combattrons à la vue de tous la double exploitation dont nous souffrons, dans une société gouvernée à la fois par les lois du patriarcat et celles du capitalisme.
Dès cette année, il faut que les hommes nous aident à mettre en place des services de garde autogérés afin que chaque femme, qu’elle soit ressortissante française ou migrante, puisse manifester ! À créer des espaces sécurisés pour que chacune puisse participer à cette marche pour ses droits ! N'imaginez pas un seul instant que le 8 mars sera une grève de balai sur le sol de la cuisine. Ne l'oublions pas : si les femmes cessent de travailler, le monde cesse de tourner !
(1) Genre et égalité dans la main-d' ?uvre, analyse de 104 pays, OMS, mars 2019
(2) Différences entre les sexes dans l'emploi à temps partiel, OCDE, 2018
(3) Gender Gap Pay, Eurostat, 2017
(4) Rien ne nous empêche de nous faire porter malade le 8 mars ou de continuer la grève le 9 mars !
Rien pour ce mois