Publié le mardi 18 novembre 2008
Damien FELLOUS, photographe français, a été arrêté avec deux autres français, par la police politique colombienne (le DAS) mi-octobre 2008 alors qu'il réalisait un reportage sur la grève des 12 000 travailleurs de la canne à sucre en grève depuis début septembre. Il revient sur les circonstances de son arrestation.
Peux tu te présenter et expliquer les raisons de ta présence en Colombie ?
Je m'appelle Damien Fellous, photo-journaliste français, et je réside en Colombie depuis un an. Arrivé à Bogotá en novembre 2007 avec un visa de tourisme, j'ai rencontré au mois d'avril 2008 les responsables du CED-INS (Corporation pour l'Education, le Developpement et la Recherche Populaire – Institut National Syndical), qui recherchaient un photographe pour documenter leurs activités. Dispensant des formations à des membres d'associations et des syndicalistes de nombreux secteurs professionnels, ce travail pour le CED-INS m'a paru être l'occasion de multiples rencontres et opportunités de reportages sur une grande variété de problématiques sociales colombiennes. Au mois de mai 2005, je me vois donc délivrer par le consulat de Colombie en Équateur un visa de coopérant d'une durée d'un an renouvelable pour effectuer des missions de communication au service du CED-INS.
Tu as été arrêté avec deux autres journalistes français. Peux tu nous dire comment s'est déroulée votre rencontre ?
Au mois de septembre 2008, j'effectue un bref séjour en France, afin de participer au festival Visa pour l'Image à Perpignan, et accessoirement rendre visite à ma famille et mes amis que je n'avais pas vu depuis un an. Parmi ceux-ci, Joris Prost, un éducateur, et Julien Dubois, un ex-journaliste converti au film documentaire. J'avais déjà travaillé en 2005 avec Julien sur un projet de documentaire au Venezuela, projet resté au stade des repérages, faute d'un financement pour le tournage proprement dit. Lors de mon passage à Paris, je lui parle beaucoup de la Colombie, de la distorsion médiatique dont souffre selon moi ce pays, et des innombrables sujets de documentaires possibles à y réaliser. Je lui suggère de profiter que j'y réside temporairement, que je commence à bien connaître le pays et que j'y ai des contacts nombreux et variés pour venir me visiter, découvrir le pays et y trouver matière à une idée de documentaire.
Sans l'appui d'aucun producteur ou d'aucune chaîne, Julien me rejoint donc le 6 octobre à Bogotá, suivi trois jours après par Joris, avec l'intention d'effectuer les repérages nécessaires à l'écriture d'un projet de documentaire afin de trouver par la suite une production prête à le financer. Les deux entrent sur le territoire colombien avec des visas de tourisme, Julien n'ayant pas estimé nécessaire d'effectuer la demande de visas de presse, n'ayant encore aucune commande et ne s'en trouvant qu'au stade préparatoire de son travail. Il est d'ailleurs à noter qu'en deux occasions distinctes, des amis photographes m'avaient rapporté avoir demandé au consulat colombien à Paris quelles démarches faire pour réaliser un reportage photo en Colombie et qu'il leur avait été répondu qu'ils pouvaient effectuer leur travail avec un simple visa de tourisme. De même, j'ai moi même effectué de nombreux reportages photo dans divers pays (dont certains ayant plutôt mauvaise réputation en ce qui concerne la liberté de la presse, comme la Chine, la Thaïlande ou le Venezuela) en n'ayant qu'un visa de tourisme sans que cela ne m'ait jamais posé de problème particulier.
Vous vous rendez alors sur les lieux de la grève des travailleurs de la canne à sucre ?
L'arrivée de Joris et de Julien coïncidant avec un travail que je devais réaliser pour le CED-INS sur la situation des coupeurs de canne à sucre du Valle del Cauca, une région située au sud-est de Bogotá, je leur ai proposé de m'accompagner dans cette mission. Douze mille ouvriers et leurs familles campaient depuis un mois devant l'entrée de huit raffineries pour en bloquer l'activité et j'étais chargé de visiter quatre de ces campements, guidé sur place par des syndicalistes de SINALTRAINAL (Syndicat National des Travailleurs de l'Industrie Alimentaire), et d'en ramener photos et témoignages. Cela me semblait une excellente occasion pour Julien de découvrir les campagnes colombiennes et de prendre contact avec une autre facette du pays, différente de celle qu'il avait jusqu'alors vu pendant son séjour à Bogota, ou de celles des autres régions qu'il comptait visiter, la Colombie se caractérisant par sa diversité, tant géographique que culturelle.
Le samedi 11 octobre au soir, nous prenons donc tous les trois le bus à Bogota en direction de Palmira, où nous arrivons le lendemain en fin de matinée et sommes accueillis par des membres de SINALTRAINAL qui après nous avoir fait un bref résumé du contexte de la grève et des revendications des ouvriers nous emmènent en voiture vers un premier campement de grévistes, installé devant l''entrée de la raffinerie "La Manuelita".
Comment s'organisent les grévistes au campement ?
Sur place, après avoir expliqué les raisons de notre présence, nous passons trois heures à filmer et photographier le campement et à recueillir quelques interviews. L'ambiance est extrêmement bon enfant. Des hommes sculptent des cuillères en bois qu'ils vendent au bord de la route pour pallier à l'absence de revenu depuis le début de la grève. D'autres cuisinent, ou font la file avec des seaux auprès d'un camion-citerne des pompiers venus livrer de l'eau potable. Les enfants rentrent de l'école et jouent entre les tentes. Nous sommes loin d'être en présence d'une émeute, ou même d'une manifestation. Simplement la vie quotidienne d'un piquet de grève qui dure depuis un mois.
L'atmosphère est tellement détendue que les grévistes et les vigiles de la société privée qui surveillent l'entrée de la raffinerie discutent ensemble en riant. De l'autre côté de la route, sous un auvent de toile qui les protège du soleil, quelques policiers en uniforme sont assis sur des chaises de jardin en plastique. Ils ne nous feront pas la moindre réflexion tout au long de notre présence dans ce campement.
En milieu d'après-midi, nous nous rendons en bus jusqu'à un deuxième campement, lui aussi situé sur le bord de la route, devant la raffinerie "La Providencia". Ici, nous recueillons d'autres témoignages d'ouvriers, portant aussi bien sur leurs conditions de travail, sur leurs revendications (relatives à l'absence de contrat de travail), que sur la répression subie depuis le début de leur mouvement ou leur indignation devant les déclarations du gouvernement qui les accuse d'être infiltrés et manipulés par des "forces obscures". "Nous ne sommes pas des terroristes ou des guérilleros", répètent-ils, "nous sommes des travailleurs qui luttons pour le simple respect du code du travail. Les seules forces obscures qu'il y a ici, ce sont les ESMAD (police anti-émeute, toute habillée de noir)." Enfin, la nuit étant tombée, nous rentrons en bus à Palmira où nous dormons dans le local de SINALTRAINAL.
A quel moment survient votre arrestation ?
Le lundi 13 au matin, nous remontons dans une voiture, Julien, Joris et moi, conduite par un syndicaliste de SINALTRAINAL et accompagnés d'un autre véhicule transportant deux ou trois autres syndicalistes ainsi que trois étudiantes en Travail Social d'une université de Bogotá venues avec leur professeur pour leurs recherches de terrain.
Sur la route reliant Palmira à Cali, la capitale régionale, troisième ville du pays, nous prenons un embranchement se dirigeant vers la raffinerie "Tumaco" quand nous rencontrons un barrage de la police de la route. Deux ou trois policiers en uniforme arrêtent notre voiture et échangent quelques mots avec le chauffeur puis nous laisse passer. Derrière eux, un homme en civil note le numéro de plaque des véhicules. À aucun moment les policiers ne nous signifient que nous ne devons pas aller plus avant ou que la zone est d'accès restreint ou dangereux, pas plus qu'ils ne nous font de remarques sur notre matériel photo et vidéo pourtant en évidence. Deux cent mètres plus loin se trouve le campement des coupeurs de canne.
Nous descendons de voiture. Ici aussi l'atmosphère est très tranquille. Quelques policiers sont installés face aux tentes dans lesquelles se trouvent les grévistes. Ceux-ci dorment ou jouent aux dominos sur des chaises longues qu'ils ont fabriqué avec des branches d'arbres. Les syndicalistes, les étudiantes et nous trois, marchons alors environ un kilomètre le long d'un chemin à travers la canneraie jusqu'à l'entrée proprement dite de la raffinerie, gardée par une demi-douzaine de militaires, et où se trouve un autre petit campement. Je fais quelques photos pendant que les syndicalistes plaisantent avec les militaires, qui sont très amicaux.
Tout le monde est très détendu, les étudiantes mâchent un morceau de canne à sucre et s'éventent avec des feuilles, il n'y a ni cris, ni slogans, même pas de discussions politiques, encore moins d'actes violents. Le lieu se prêtant peu aux images, au bout d'environ une heure, nous rejoignons la voiture pour nous diriger vers la quatrième et dernière raffinerie de notre périple. En reprenant le chemin vers la route principale, nous constatons que le barrage de l'aller s'est considérablement renforcé. La police de la route arrête à nouveau notre véhicule, mais cette fois ils nous demandent de sortir et fouillent nos sacs avant de nous remettre à des agents en civil qui attendaient derrière eux et qui se présentent à nous comme appartenant au DAS (Département Administratif de Sécurité, organisme fourre-tout et entaché par de nombreux scandales, cumulant les fonctions de contrôle migratoire et de renseignements, un équivalent de notre Police de l'Air et des Frontières mêlée de Renseignements Généraux).
Commencent alors les interrogatoires. Que vous reproche les agents du DAS ?
Ils nous demandent de présenter nos passeports, ce que nous faisons, pensant à un simple contrôle d'identité, et nous les confisquent, puis nous font monter dans une voiture banalisée. Je leur demande la raison de cette arrestation et ils me répondent qu'ils ne s'agit pas d'une arrestation mais d'une procédure administrative de vérification de notre situation migratoire, que c'est parfaitement routinier et que nous n'avons pas à nous en faire. Avant qu'ils ne nous emmènent, je réussis à demander à un des syndicalistes présents de faire prévenir l'ambassade de France.
On nous emmène dans les locaux du DAS à Cali, où l'on relève les empreintes digitales de nos dix doigts avant de nous interroger l'un après l'autre. Je passe en premier, un agent m'annonce que ma déclaration est volontaire et non soumise au serment et après quelques questions concernant mon état-civil et le type de visa que je possède, l'interrogatoire s'oriente sur la raison de ma présence dans le campement des grévistes, la destination des photos, l'usage que compte en faire le CED-INS, le nom de la personne de l'ONG qui m'a confié la mission, le nom de mes contacts dans le syndicat,etc...
On me demande ensuite si je savais qu'il était dangereux d'aller dans ce campement. Enfin, un agent connecte mon appareil photo à son ordinateur et copie sur son disque les photos contenues dans la carte mémoire. Puis il me fait signer la déposition, et apposer l'empreinte de mon index. Tout ceci s'est déroulé en espagnol et sans traducteur, une langue que je sais parler certes, mais dont je ne maîtrise assurément pas toutes les subtilités. Pendant ce temps avait commencé dans une autre pièce l'interrogatoire de Julien, qui ne parlant pas du tout espagnol, s'est déroulé en anglais, puis a été rédigé en espagnol par l'agent du DAS, et traduit oralement en français à Julien par mes soins, avant qu'il ne signe sa déposition, et que je la co-signe comme traducteur...
Une procédure qui me parait totalement aberrante, n'ayant pas les compétences pour traduire correctement, et qui va se répéter avec l'interrogatoire de Joris, cette fois en espagnol, avec de nouveau moi comme interprète des questions de l'enquêteur, et des réponses de Joris.
À eux deux, les questions posées sont quelque peu différentes des miennes. On leur demande si ils savaient que leur visa de tourisme ne leur permettait pas d'avoir d'autres activités. Ils réaffirment qu'ils ne pensaient pas commettre un délit en photographiant des gens qui ne sont pas hors la loi, dans un lieu public, sans que personne ne les ait avisé qu'ils ne devaient pas s'y rendre. À l'entrée dans le pays, personne ne leur a indiqué des régions qui devaient être évitées, et on est en droit de considérer que le tourisme ne se limite pas aux plages et aux monuments historiques. Les agents insistent sur le fait qu'ils auraient du se limiter à visiter les beautés de la Colombie et pas à faire de la politique. Les beautés de la Colombie résident aussi dans son peuple, dans la production des richesses naturelles comme la canne à sucre. Discuter avec des ouvriers agricoles n'est pas faire de la politique. Pas plus que de lire un journal. Aucun acte illégal, aucun délit n'a été commis. Aucune participation à une manifestation ou à une marche. Comment savoir les endroits , les actes autorisés ou non, les personnes auxquelles elles avaient droit de parler ou non ? Les photos de l'appareil de Joris sont également copiées sur le disque dur de l'enquêteur. Nous recevons ensuite la visite du consul honoraire de France à Cali, prévenu de notre détention par le biais des syndicalistes, et immédiatement venu s'enquérir de notre situation.
On nous permet alors d'acheter à manger, puis, une fois le consul parti, les agents nous disent que si ils ne tenait qu'à eux nous serions relâchés, mais que les ordres étant les ordres nous allons être transférés à Bogotá et que là-bas seulement serait prise la décision nous concernant.
Ils nous demandent ensuite si nous avons l'argent pour payer l'avion jusqu'à Bogotá. Nous répondons que non, que nous avions bien prévu de rejoindre Bogotá le soir même, mais en bus. Alors les agents nous disent que le DAS n'a pas les moyens de nous payer l'avion et qu'ils vont donc nous transporter en voiture. Après nous avoir photographié de face, de profil et en pied, nous embarquons donc après la nuit tombée dans deux voitures banalisées accompagnés de cinq agents du DAS en civil, l'arme fourrée dans le pantalon. Je suis dans une Nissan bordeaux avec trois agents, tandis que Joris et Julien montent dans une voiture grise avec deux autres.
Vous êtes donc transférés à Bogotá. Quel est alors votre état d'esprit ?
Le trajet de 500 km qui relie Cali à Bogotá est une route de montagne très dangereuse, empruntée par de nombreux camions de marchandises. Mon chauffeur était le même agent qui m'avait interrogé l'après-midi et qui se lançait donc dans une nuit blanche de conduite sans avoir pu se reposer après sa journée de travail. Fenêtres ouvertes "par sécurité pour ne pas s'endormir", le froid pénétrant des sommets andins me transperçait d'autant plus que, comme mes deux camarades, j'étais en t-shirt, la zone où nous avions été interpellé étant une région chaude, alors qu'on transportait vers Bogotá, à plus de 2000 mètres d'altitude et au climat moins clément, sans nous avoir permis de récupérer nos affaires, restées au local de SINALTRAINAL à Palmira.
Pire que le froid, la peur, triple durant ce transfert. À celle que je veux bien admettre irrationnelle d'être emmené de nuit par des hommes en civil armés dans un pays où les histoires d'exécutions"extra-judiciaires" sont malheureusement trop nombreuses, s'ajoutait celle plus plausible de voir nos voitures être la cible d'un groupe illégal. Il est probable que les guérillas, paramilitaires, ou groupes mafieux aient identifié nombre des véhicules, même banalisés, du DAS. Le risque pris en nous faisant voyager de nuit avec des agents du DAS d'être attaqués par un de ces groupes était sans commune mesure avec la nécessité de notre transfert pour "vérification de notre situation migratoire".
Encore plus tangible, la peur de l'accident, accentuée par la conduite imprudente d'un chauffeur fatigué. S'apprêtant à doubler un bus de voyageurs dans un virage, son propre collègue l'a averti : "Attention, il y a un camion qui vient en face..." - "Je l'ai vu", lui a répondu le conducteur, "j'ai le temps de le doubler..." Et nous étions tellement engagé dans le dépassement du car quand le camion a surgi face à nous que le conducteur n'a pas eu le temps de se rabattre derrière le car, et que nous sommes passés entre celui-ci et le camion. Je me suis excusé du hurlement involontaire que j'avais poussé, et les policiers, blêmes, m'ont répondu que je n'étais pas le seul à avoir eu peur.
A Bogotá, de nouveau vous êtes interrogés ?
Nous arrivons à Bogotá le mardi 14 vers 9h du matin. Nous sommes emmené au quatrième étage des locaux du DAS de la calle 100 de Bogotá, où l'on nous offre des galettes et un café, tout en se moquant de notre odeur corporelle et en ouvrant grand toutes les fenêtres, alors que nous nous trouvons toujours en t-shirt.
Aux alentours de midi, on me signifie que mes papiers sont en règle et que je suis libre de repartir. On se demande quel besoin il y avait de me garder 24 heures et de me transporter depuis Cali pour m'annoncer cela à Bogotá, sans m'avoir posé aucune nouvelle question, alors qu'un simple appel téléphonique aurait suffi pour me laisser libre dès le début.
Les agents du DAS vont jusqu'à me proposer que leurs collègues de Cali me remmène avec eux en voiture jusqu'à Palmira. Je décline poliment. Je rentre chez moi chercher des vêtements propres et chauds pour mes amis, et l'on m'autorise à leur ramener à manger quelque chose d'un peu consistant.
Après une nouvelle visite d'un membre de l'Ambassade de France, Julien et Joris sont relâchés dans la soirée, après plus de trente heures de détention, avec une convocation pour le lendemain matin 7h30 dans les mêmes locaux pour "procéder à des démarches administratives de caractère migratoire". Et en leur précisant de venir avec toutes leurs affaires...
Le mercredi 15, j'accompagne mes deux amis jusqu'aux locaux du DAS, où on les embarque dans un taxi conduit par deux agents en civil qui les emmène à l'aéroport pendant qu'un responsable m'explique que la décision finale est en train d'être prise à l'instant même de savoir si ils vont être "déportés" avec deux ans d'interdiction de territoire, ou simplement voir leur visa réduit à la date d'aujourd'hui, ce qui leur permettrait d'effectuer une nouvelle demande de visa dès qu'ils le désireraient.
Finalement Julien et Joris ont écopé de cinq ans d'interdiction de territoire. La décision leur a été signifiée dans les bureaux du DAS à l'aéroport de Bogotá, en espagnol et sans traducteur alors qu'ils ne le comprennent pas, et avec un délai de cinq jours pour la contester, alors qu'ils étaient immédiatement mis dans des avions pour être expulsés sans avoir vu d'avocat ou avoir pu exercer un recours.
Cette expulsion n'est hélas pas un cas isolé. Le climat est peu propice actuellement en Colombie aux ressortissants étrangers. Peux tu en dires deux mots ?
Une mésaventure similaire était arrivée deux semaines auparavant à une jeune allemande expulsée pour avoir participé à une manifestation des coupeurs de canne à Cali. C'est du moins la raison invoquée, mais on peut douter de l'exactitude de la version officielle quand on voit ce qu'est devenue notre propre histoire en quelques jours.
Le samedi 17, le Président de la République de Colombie, M.Alvaro Uribe Velez, déclarait que les étrangers expulsés étaient des criminels, qui auraient du être emprisonnés avant d'être expulsés pour avoir provoqué des actes violents. Plus tard, on annonçait une demande d'enquête sur les étrangers expulsés. Outre qu'elles sont fausses, ces assertions ne tiennent pas debout. Les heurts dont parle le président ont commencé que nous étions déjà dans les locaux du DAS à Bogotá.
Ils opposaient la police et l'armée aux indigènes dans la région du Cauca, alors que nous rendions visite aux coupeurs de canne à sucre de la région du Valle del Cauca. Autant d'amalgames faciles à réfuter mais qui permettent au gouvernement de dénoncer "la main de l'étranger" dans les problèmes sociaux à des fins de politique intérieure.
Il faut savoir que M.Uribe Velez n'en est pas à sa première dénonciation de collusion avec les terroristes. Avant Julien et Joris, le président a ainsi accusé d'être infiltrés par la "subversion" les indigènes, les coupeurs de canne, les syndicats, les associations de droits de l'homme, les ONG étrangères, les juges en grève, et jusqu'aux magistrats de la cour suprême...
Malgré le caractère irréaliste des accusations portées, celles-ci ne sont néanmoins pas à prendre avec le sourire. La stigmatisation des étrangers, journalistes ou coopérants des ONG, dans un pays très polarisé entrave le travail de ces derniers et met en danger leur vie, surtout lorsque l'on sait que les Aguilas Negras, un groupe paramilitaire qui a assassiné plusieurs dizaines de syndicalistes depuis le début de l'année, a déclaré objectif militaire de nombreuses ONG colombiennes et internationales (jusqu'en Europe, où France Amérique Latine, par exemple, fait partie de la liste des organisations).
En attendant, où en est la grève des travailleurs de la canne à sucre ?
La lutte des coupeurs de canne vient de s'achever. Le syndicat SINALCORTEROS a négocié avec la direction de la raffinerie et les résulats sont mitigés. Les ouvriers seront payés 0.5 d'euros en plus par tonne de canne à sucre récoltée. La direction a fait de vagues promesses de couverture sociale et s'est engagée à dégager des fonds
pour l'éducation. Les ouvriers en lutte ont tenu deux mois.
Rien pour ce mois