Secrétariat international de la CNT

Argentine - Ni Macron, ni Macri

Retour sur les mouvements sociaux liés au plan de réforme du gouvernement argentin

Publié le jeudi 1er mars 2018

Depuis son élection le 10 décembre 2015, qui a mis fin au mandat de Cristina Kirchner (centre-gauche), le Président Macri (droite libérale) a entrepris la mise en œuvre d’une série de réformes hautement controversées. Parmi elles, l’adoption le 18 décembre 2017 de la Réforme Prévisionnelle (Reforma Previsional) ayant pour objet le mode de revalorisation des pensions de retraite et des régimes spéciaux. La nouvelle formule de calcul, qui consiste à revenir trimestriellement sur le montant de l’allocation versée en fonction du taux d’inflation, conduira à une baisse significative des dotations.

local/cache-vignettes/L300xH201/csfev2018_argentine_icono1-6e0d8.jpg?1519920084 Face à l’austérité de ces mesures, le Président Macri a vu se dresser dès septembre 2017 un peuple solidairement déterminé à faire valoir ses droits. Depuis le 10 décembre 2017, la capitale argentine a été le théâtre d’une série de marches historiques[1], à la fois en raison du nombre de manifestants et de la violence des répressions policière et militaire à laquelle ceux-ci ont été confrontés. A l’appel des syndicats[2] (d’obédience péroniste pour la grande majorité) et d’un certain nombre de partis de l’opposition de gauche, travailleu.r.se.s, communautés autochtones et familles entières, se sont regroupés afin de faire entendre leurs voix, réunissant jusqu’à 250 000 personnes par jour dans la seule ville de Buenos Aires. Entre le 14 et le 18 décembre – date de l’adoption de la réforme par la chambre des députés –, plusieurs victimes ont été à déplorer, blessées par des tirs de gaz lacrymogène et par des tirs de balles en caoutchouc de la Police Fédérale et de la gendarmerie. Des dizaines de personnes furent également interpellées et plus d’une vingtaine placées en garde à vue. En réalité, la violence de la répression exercée par les forces de l’ordre au service de Macri ne date pas de décembre dernier. Un rapport de la COREPI[3] a révélé que depuis les 721 jours de l’entrée en fonction du gouvernement actuel, 725 personnes avaient été tuées par l’État, soit près d’une personne par jour.

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La violence du gouvernement Macri se voit non seulement à travers la criminalisation grandissante des manifestants mais aussi à travers le durcissement de la répression exercée contre les communautés autochtones mapuches. Afin de légitimer l’application de la nouvelle loi antiterroriste du pays[4], le chef de l’exécutif et son gouvernement travaillent activement à diffuser l’idée que des « terroristes », véritables « ennemis publics » de l’État argentin se trouveraient parmi les Mapuches, qui chercheraient à mettre en péril la cohésion nationale. local/cache-vignettes/L300xH201/csfev2018_argentine_icono3-a9a5c.jpg?1519920085
En ce sens, le gouvernement argentin argue des liens supposés entre la Résistance Ancestrale Mapuche (R.A.M.)[5], les Kurdes, les FARC et l’ETA. Ces allégations sont actuellement réaffirmées afin de justifier la détention de Facundo Jones Huala[6], accusé d’« incitation à la violence » et de « détention illégale d’armes ».
La disparition du militant argentin Santiago Maldonado, le 1er août 2017, dont le corps a été retrouvé fin octobre 2017, ravive la mémoire des heures les plus sombres de l’histoire argentine et de la dictature dont le peuple a été victime pendant près de 40 ans. L’intensification de la répression s’exprime en effet de nouveau à travers de nombreux cas de « disparitions forcées » qui touchent les manifestants. Parmi les Mapuches, l’on ne dénombre pas moins de 145 disparitions dans la seule province du Chubut (Patagonie). La mort du jeune Rafael Nahuel (22 ans) de la communauté mapuche Lof Lafken Winkul Mapu le 25 novembre 2017 est un nouvel exemple de la violence de la répression exercée par les forces de l’ordre au service du gouvernement Macri à l’encontre des Mapuches.
Ces événements témoignent d’un renforcement significatif de la violence étatique contre les plus vulnérables (personnes âgées, ouvriers, autochtones). L’Argentine n’avait pas connu une telle situation depuis la crise économique de 2001.

Aurélie J., du Comité de Solidarité aux Indiens des Amériques (CSIA-Nitassinan)
Photos : Manifestation contre la Réforme Prévisionnelle, Buenos Aires, 14 décembre 2017. Photo : Aurélie Journée.

[1] Marches contre la réforme prévisionnelle (10, 13 et 14, 18 décembre 2017), qui ont fait suite à des manifestations contre la tenue de la rencontre entre les pays membres de l’OMC (entre le 10 et le 13 décembre) et à une marche transfrontalière en soutien au peuple mapuche (9 décembre 2017).
[2] Parmi eux, la CGT, ATE Nacional (Asociación Trabajadores del Estado), la CTEP (Confederación de Trabajadores de la Economía Popular), la CCC (Corriente Clasista y Combativa), entre autres.
[3] Publié le 23 décembre 2017. COREPI : Coordinadora contra la Represión Policial e Institucional.
[4] Équivalent du régime d’exception de l’état d’urgence français.
[5] En raison de différences de points de vue sur les stratégies à adopter face à la répression, la R.A.M.est critiquée au sein même des communautés mapuches.
[6] Lonko mapuche du Lof en Résistance de Cushamen.

Article publié dans le Combat Syndicaliste n°431 (Février 2018)

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