Publié le samedi 2 novembre 2013
Le professeur indigène tzotzil est sorti de prison ce jeudi 31 octobre 2013.
Alberto Patishtán Gómez sort de prison. Au terme de ces longues années d’enfermement, il laisse toute une vie de lutte qui a permis la création de plusieurs organisations de prisonniers adhérentes à la Sexta zapatiste, telles que La Voix de L’Amate et les Solidaires de la Voix de L’Amate. Ces deux organisations dénoncent le fonctionnement arbitraire du système judiciaire mexicain, la torture physique et psychologique que les matons font subir aux détenus, et la corruption qui sévit dans les prisons de l’État du Chiapas.
Patishtan a été arrêté le 19 juin 2000 dans sa municipalité d’origine, El Bosque, et accusé d’embuscade, de port d’armes et d’homicide qualifié d’agents de la police d’État. Une fois jugé, son cas est resté dans l’oubli. Il n’a fait l’objet d’une enquête ni pendant l’arrestation, ni après. Le professeur indigène tzotzil est passé par cinq prisons différentes, dont une de haute sécurité dans l’État de Sinaloa. C’est
grâce à la forte mobilisation des organisations, des centres de droits de l’homme, des adhérent-e-s à la Sexta, collectifs, individus, avocats solidaires entre autres, que son cas est sorti du placard.
Après treize longues années d’enfermement mais aussi de résistance et de lutte, le professeur Alberto Patishtán Gómez a enfin obtenu sa liberté, en raison d’une grâce accordée par le président mexicain Peña Nieto. En effet, jeudi dernier, c’est la modification par le sénat du Code Pénal Fédéral, qui donne désormais au président la faculté de gracier des prisonniers quand il existe des preuves de violations des droits de l’Homme lors de leurs arrestations ou de leurs procès, qui a permis la libération de Patishtán.
Bien que dans les derniers communiqués, Patishtán ait souligné que la grâce présidentielle n’était pas la meilleure voie pour obtenir sa libération, toutes les possibilités juridiques étaient épuisées. La Cour Suprême de Justice de la Nation (SCJN) avait refusé d’assumer sa compétence et ses responsabilités en se déclarant incompétente sur le cas du professeur Alberto. Elle l’avait renvoyé vers le tribunal de Tuxtla Gutierrez au Chiapas qui, à son tour, s’était prononcé contre sa remise en
liberté et avait confirmé sa condamnation à soixante ans de prison.
L’un des chemins pour obtenir sa libération à long terme était de recourir à la
Cour Interaméricaine de Droits de l’Homme, ou bien de promulguer une loi autorisant le président de la République à exercer le droit de grâce.
Le 24 octobre dernier, le professeur déclarait : « Il est venu à ma connaissance que les députés et les sénateurs cherchent des solutions concernant mon cas. Indépendamment de ce qu’ils veulent ou peuvent faire, ce qui m’intéresse, c’est qu’il soit bien clair que je suis innocent. Ils doivent me libérer, un point c’est tout.» C’est ainsi qu’il s’exprimait depuis une maison de la ville de Mexico, où il était assigné à
résidence alors qu’il recevait des soins pour sa tumeur au cerveau.
L’après-midi du 31 octobre 2013, jour de sa libération, le professeur Patishtán a donné une conférence de presse. Visiblement ému, l’indigène tzotzil a rappelé sa lutte contre l’esclavage et la marginalisation auxquels sont soumis les plus pauvres au Chiapas. « Je suis sorti pour défendre mon peuple, lever la main. C’est la cause pour laquelle
ils m’ont envoyé en prison en me condamnant à mort. Ils ont voulu achever ma lutte,
ils ont voulu la faire tomber, mais ce qui s’est véritablement passé, c’est que la lutte s’est multipliée. Ils ont voulu la cacher mais elle n’a fait que resplendir », a souligné le professeur Patishtán entre des applaudissements et des acclamations approbatrices.
« Dès le premier jour de ma captivité , je me suis senti libre.
Quelques personnes me demandent : Qu’est-ce qui fait que tu ne cesses pas de
rire ?, et je leur dis : C’est que j’ai la conscience tranquille. Si je cesse de rire un jour, je sens que c’est un jour perdu pour moi. Si vous me voyez très souriant, ne vous préoccupez pas, c’est ma profession », a-t-il dit au milieu des éclats de rire de l’assistance.
Ainsi au milieu des cris, des embrassades, et des visages heureux, le public criait enthousiaste : « Liberté, liberté, vive Alberto Patishtán !
Le prof, personne ne l’a gracié, la liberté, c’est grâce au peuple organisé qu’il l’a gagnée ! »
Dans une déclaration, des organisations membres du Réseau National « Tous
les droits pour toutes et tous » signalent à propos de la libération d’Alberto que, malgré cette bonne nouvelle, la préoccupation persiste autour des fautes graves commises par le système judiciaire mexicain.
L’application de la grâce (indulto) confirme qu’au Mexique la justice est totalement absente, dans ce procès comme dans tant d’autres. Le Réseau signale également : « Un des sujets sur lesquels l’État mexicain ne s’est pas encore exprimé, dans ce cas, est la reconnaissance publique de l’innocence de Patishtán. Il est nécessaire de rappeler que l’État mexicain doit réparer le dommage causé à Alberto et à sa famille,
après avoir violé ses droits humains ».
Nous partageons la joie de cette libération sans oublier que, pendant ces dernières années, une mobilisation forte, solidaire, infatigable et très diverse s’est amplifiée comme le vent partout dans le monde à travers des actions, des événements, des festivals, des performances, des émissions de radio, des vidéos, des anifestations… Cette résistance créative et déterminée nous a réunis, avec nos différentes formes de lutte, autour de la liberté non seulement de Patishtán mais de tous ceux et celles qui
résistent encore et qui se battent toujours à l’intérieur des geôles.
Notre justice, celle qui se construit en bas et à gauche reste à faire, le chemin parcouru est déjà tracé mais il n’est pas fini. Nous ne sommes pas toutes et tous là, il manque les prisonniers et les prisonnières !
La lutte continue !
Liberté aux prisonniers et prisonnières !
À bas tous les murs des prisons !
Les trois passants
Pour plus d'infos : [http://liberonsles.wordpress.com]
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